Leçon de chose pour diplomatie opportuniste

Blaise a tapé très fort. En un tour de bras, il aura réussi coup sur coup, d'une part à faire sceller le sort de Salif Diallo, son ancien compagnon, par ses camarades du CDP au cours de son IVème congrès, d'autre part à faire instruire son procès à l'occasion du XIème forum des diplomates. Tout cela sans que lui-même ne prononce publiquement un seul mot sur la question. Dans les deux cas, on a assisté au même mode opératoire. Dans un contexte marqué par la lutte sourde entre le CDP et la FEDAP/BC, il eût été suspect que les porte-voix de la FEDAP/BC prennent la tête de cette croisade anti-Salif. En faisant monter au créneau les responsables du CDP réputés proches de Salif, Blaise réalise là un travail technique très clean. De l'autre côté, on a cru devoir exhumer un fossile du mouvement estudiantin du temps de la mythique Fédération des Etudiants d'Afrique Noire en France (FEANF), le koro Omar Diawara dit Barou, dans le but de rappeler au néophyte, les règles élémentaires de la diplomatie. Là aussi, on a voulu en imposer moralement à Salif à travers un aîné, d'autant plus respectable qu'il fut de ceux qui tracèrent le sillon idéologique du nationalisme estudiantin, bien avant les Salif. Malheureusement, le koro a appuyé un peu fort sur la pédale, au point de donner de lui une image flouée : "Cette confiance que son excellence le président du Faso a bien voulu nous accorder doit se mériter et se consolider dans nos actes à travers les règles de déontologie strictes, d'obligation de réserve et surtout de fidélité sans faille et d'humilité dans l'exercice de notre fonction."

Pour cet ancien cadre d'Air Afrique, entré dans la confrérie par accident, d'aucuns diraient par effraction, la vertu essentielle en matière de diplomatie est la fidélité à un homme. On est où là ? Pour parler comme le bourlingueur de la Radio mondiale ! Sommes-nous toujours en république où nos ambassadeurs accrédités à l'étranger sont jusqu'à preuve du contraire des hauts fonctionnaires de la république ? S'ils sont redevables à un homme, c'est bien en sa qualité de chef de l'Etat, garant des intérêts collectifs des Burkinabè et non parce qu'ils doivent leur nomination à un individu, provisoirement chef de l'Etat. Prétendre le contraire serait très dangereux pour l'image même de la république. Le contexte dans lequel ces propos ont été prononcés leur confère une résonance politicienne. L'obligation de réserve dont il est question s'apparente à une entreprise d'intimidation à l'égard d'un homme, qui bien que diplomate, a usé d'un droit fondamental garanti par la constitution : la liberté d'expression. Ce droit est reconnu même aux diplomates à la seule condition que l'usage qui en est fait ne nuise pas aux intérêts et à l'image du pays. Dans le cas qui nous intéresse, Salif Diallo s'est exprimé dans l'environnement du congrès de son parti dont il est un des principaux responsables. Si ses propos avaient été autres, personne n'aurait invoqué l'obligation de réserve. Mais son appel à la réflexion sur la vie institutionnelle de notre pays est assurément anticonformiste. Ce n'est donc pas l'obligation de réserve qui est en cause, mais l'anticonformisme du propos.

Dans les années 50, Michel Débré, ministre français, résumait ainsi sa conception de l'obligation de réserve : "le fonctionnaire est un homme de silence, il sert, il travaille, il se tait". Cette conception est aujourd'hui, largement battue en brèche. Elle détonne dans une société qui se veut moderne dans laquelle le progrès est la conséquence de la montée des libertés. Alors même qu'à côté de nous, les diplomates étrangers usent abondamment d'un devoir d'ingérence dans la vie de nos Etats, au Burkina, on rame à contre courant en plaçant notre diplomatie sous éteignoir. Le diplomate moderne est aussi habilité à jouir de la plénitude de ses droits constitutionnels au regard de sa vocation à servir l'intérêt général et de la responsabilité qui lui incombe. Il faut donc arrêter de considérer les diplomates comme des serviteurs du Roi. C'était le cas du temps du Roi Soleil en Gaulle. Mais sommes-nous condamnés à contempler le postérieur de nos anciens maîtres quand bien même les temps ont changé ?

Ces derniers temps, on assiste à une dérive confinant notre diplomatie dans le culte d'un homme au prétexte qu'il est un faiseur mondial de paix. Il faut cependant se convaincre que la flagornerie sans limites ne peut que conduire droit au mur. Que nos diplomates soient tentés par l'expérience de Panurge* peut se comprendre, au regard de l'idée qu'ils ont de leurs rôle et place. Mais les Burkinabè n'ont aucune raison de se laisser duper par des lubies qui, à coup sûr, saperont leur aspiration au progrès. " Personnage de Rabelais qui illustre le suivisme bête et aveugle. Germain Bitiou NAMA

 



24/08/2009
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