Le prix CNN, un grand prix pour une journaliste inconnue

Interview paru dans le journal Amina n°347 du 1er septembre 2006

1) Que représente pour vous le prix CNN Multichoice Afrique ?

Le prix Cnn Multichoice Afrique représente pour moi, l'opportunité d'avoir pu vivre 5 jours exceptionnels à Maputo au Mozambique. C'est dans cette charmante ville qu'a eu lieu le 15 juillet dernier la remise des awards aux lauréats. Ce prix a été l'opportunité pour moi de tâter les pulsations du monde journalistique. De côtoyer les meilleurs du monde des médias africains et mondiaux. Ce prix représente pour moi l'excellence. Ce prix, c'est également pour moi l'humanité. Du fait d'avoir côtoyer des gens ouverts et amicaux. D'avoir pris des contacts.

2) Pourquoi avez vous décidé d'y participer ?

Pour être journaliste à CNN. Pour m'ouvrir à l'excellence. Pour me construire. Pour agir. C'est ce qui justifie, à mes yeux, ma participation à ce prix Cnn Multichoice.

3) Votre article primé porte sur l'homosexualité au Burkina Faso. Parlez nous en un peu !

Les homosexuels sont des personnes fortes stigmatisées au Burkina Faso. Un jour après une discussion avec des amis, j'ai décidé d'aller voir ce que vivait ces personnes-là. De comprendre leur situation dans notre contexte où l'hétérosexualité semble la norme admise par tous. De savoir comment elles supportaient leurs marginalisations. De comprendre leur vie et leur monde. Et durant trois mois, j'ai suivi un groupe d'homosexuels. Ce sont des personnes. Elles ont des sentiments. Ce sont des êtres humains capables d'amours, d'attention. Elles sont nous, vous et moi. Avec leurs peines de cœurs et leurs joies liées à leur vie et à leurs amours. Les homosexuels sont considérées par nombre de Burkinabè comme des moins que rien. Or l'homosexualité existe dans toutes les sociétés. Dans nos sociétés traditionnelles africaines, des dispositions étaient prises pour camoufler ce genre sexuel aussi bien masculin que féminin. La société veillait à ce que ces personnes là, se marient quitte à avoir des relations sexuelles en cachette avec le sexe semblable. De nos jours, la mondialisation aidant, le monde se déplace, la pauvreté s'accentue, des besoins naissent et doivent être assouvis. Aussi, on constate des homosexuels prostitués. Ils le sont pour de l'argent. Des homosexuels occasionnels. Ils le font juste pour découvrir d'autre sensation. Une personne de même sexe peut aimer; désirer un partenaire de même sexe. La perpétuation de l'espèce humaine est secondaire. C'est le plaisir qui est exalté. La norme pour l'instant, pour la majorité des burkinabè, c'est l'hétérosexualité. D'ou cette intolérance envers les homosexuels.

Il n'est donc pas facile de parler d'homosexualité. Particulièrement dans notre société burkinabè très cheval sur certains principes fondateurs de la société humaine. Le plus difficile dans la réalisation de ce dossier : « Etre homosexuel au Burkina Faso », paru dans L'Evénement n°64 n'a pas été facile du moins de part l'attitude de la population. Même dans les milieux à priori ouverts sur le monde extérieur; chercheurs, enseignants de l'Université de Ouagadougou, députés, citoyens dits ´cultivés; a soigneusement évité la question. Histoire de ne pas se salir…

Et pourtant l'homosexualité existe au Burkina Faso. Pour s'en convaincre, une sortie nocturne, sur l'avenue Kwamé Nkrumah, renseigne sur la présence d'une communauté homo au Faso. Faut-il faire comme s'elle n'existe pas sous nos cieux. En parler n'est pas une occasion de faire exister le phénomène. Dans une société démocratique, la meilleure façon de traiter les problèmes, c'est d'en parler. Et c'est que nous avons choisi de faire. La démarche ne nous pas valu des fleurs. Notre dossier a déclenché un tollé général. Mais qu'a cela ne tienne. Le débat a été fort riche.

4) Vous avez été plusieurs fois primé au Burkina Faso par les Prix Galian; et à l'international, vous récoltez des prix. Y-a-t-il un secret Ramata Soré ?

Oui. Il y a un secret Ramata Soré. Mon secret, c'est Dieu. Je le prie chaque jour. Je lui demande de me guider, de m'éclairer. Ces prix, c'est mon destin, ma façon de valoriser les talents qu'Allah a mis en moi. Ces prix, c'est le journalisme. C'est mon métier. Un métier qui me passionne. Et cette passion passe par le respect de la déontologie du métier. Par une appréhension de l'éthique professionnelle. Par un don de soi. La patience lors de la récolte des informations.

5) Qu'est ce que tous ces prix vous rapportent : de l'argent, la renommée ou quoi ?

Ces prix m'apportent un peu de tout cela. La fierté de mes vrais amis. Plus sérieusement. Ces prix pour moi, c'est la satisfaction d'un travail bien fait. La reconnaissance des pairs. C'est la plus grande récompense, je pense. Et cela fait énormément plaisir. Malgré tous ces lauriers, j'ai toujours la tête sur mes épaules. Et mon credo, c'est l'excellence.

6) Ces prix ont-ils une influence sur votre carrière en termes de motivation ?

Les prix sont une motivation en plus. Ces prix me donnent la certitude que je suis mon chemin. La conviction que je fais mon métier. Néanmoins; ils m'invitent à mieux faire, à toujours aller de l'avant. A rester journaliste.

Ces prix sont pour moi une motivation d'autant plus que bon nombre de jeunes personnes s'intéressent au journalisme; veulent l'embrasser comme carrière. Et je suis d'autant plus émue et heureuse de faire des émules, de susciter des vocations, si vocation il ya..

7) Vous ne regrettez point d'avoir donc choisi le journalisme ?

J'assume le fait que je sois journaliste. Et les actes que je pose dans ce métier, pour ce métier, à travers ce métier, je les assume. Je suis responsable de mes articles, de mes dires. Je vous l'ai dit. Le journalisme; c'est mon chemin. Je l'ai choisi. Je le suis qu'il y ait du soleil ou de l'orage. Choisir ce métier a été un risque u le contexte dans lequel nous travaillons au Burkina Faso. Je préfère risquer en osant que regretter de ne pas avoir saisir l'opportunité d'être journaliste.

8) Un bon journaliste, c'est quoi selon vous ?

Un bon journaliste, c'est celui qui a la vocation. Qui aime ce qu'il fait. Qui exerce en âme et conscience cette profession tout en respectant les règles du métier. Un bon journaliste, c'est celui qui est humain, altruiste. Un sacerdoce s'assume sans arrière-pensée; sans non plus un héroïsme sucidiaire. Le bon journaliste; c'est celui qui promeut, après solide investigation, la vérité. Cette vérité est nessecaire. Elle contribue au bonheur des concitoyens.

9) Quels conseils donneriez vous à des cadettes qui aimeraient faire comme vous ?

Je n'ai pas de conseils à donner. Je veux expliquer ici que seule la conviction guide. Faire avec amour ce que l'on se doit de faire aide. Donner des directives me semble vaine. C'est à chacun de se décider. De tracer son chemin. De vivre ses expériences. De les assumer… Mon vécu pour les autres, peut être source d'inspiration; de motivations. Le début d'un déclic…

 10) Le nombre des femmes journalistes au Burkina Faso reste faible. Pourquoi selon vous ?

Le nombre très faible de femmes dans le journalisme part de deux réalités. La pesanteur sociale et le choix du métier. Etre journaliste ou être femme dans le domaine des médias ? Certaines personnes considèrent que le journalisme n'est pas un métier pour une femme sérieuse car une journaliste est exposée à toutes les tentations -infidélité, luxure; divorce... Pour ces gens; la place de la femme est le foyer conjugal. Les contraintes d'horaire liée à la nature du métier sont pesantes : se lever tôt, se coucher tard, s'absenter pendant des jours. Confronter au choix entre être une journaliste ou être une femme, la grande majorité du sexe féminin opte pour le second terme. Etre femme et conforter les préjugés. Elle veut s'occuper de sa famille Ces femmes conforme l'idée qui veut qu'elles ne puissent pas être des journalistes. De ce fait; c'est de loin que ces personnes apprécient ce noble métier qu'est le journalisme. Certes sous nos cieux, c'est un métier très mal rémunéré. Mais il demeure exaltant. Vouloir; Oser; Défier les préjugés sont des solutions à l'accroissement du nombre de J OU R NA LISTES. Simplement pour dire qu'il n'y a pas de fatalité pour celles qui veulent bien entreprendre; tenter. On peut bien être mère de famille et journaliste. C'est le tiède. Le juste milieu entre le froid et le chaud.

11) Des projets ?

Oui. Toujours me perfectionner. Toujours apprendre. Toujours découvrir. Et j'aimerai aller à la conquête du monde anglo-saxon. M'imprégner des pratiques et des réalités de la profession. Tout cela pour me cultiver. M'ouvrir au monde. M'enrichir de différentes expériences et constituer mon chemin, ma voie. Etre journaliste.

12) Vos loisirs ?

J'adore naviguer sur le net. Et tout en navigant, je m'amuse, je découvre. La natation est une de mes distraction préférée. Dans ce monde d'eau; j'oublie la terre. Je suis poisson. J'adore cette sensation de vitesse dans l'eau. Cette légèreté. Nager; que dire planer jusqu'à l'essoufflement puis me rendre compte que je suis un être humain qui a besoin d'air. J'aime lire. Pour me cultiver. Pour connaître. Pour savoir. Pour voyager. Pour discuter. Pour me construire. Pour être moi.

13) Un dernier mot ?

Puisse Dieu m'aider à réaliser mon programme de vie. Me guider pour l'éternité. Puisse Dieu me permettre de continuer mon métier. Rester journaliste, c'est-à-dire- humaine. Donner la voie aux sans voix. Le journalisme est humanité. Le journalisme est amour. Et je vous aime tous autant que vous êtes fraternellement.


Contact

Ramata_sore@yahoo.fr

+ 226 70 26 74 73




 


27/10/2006
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