Le FMI conseille de dépenser sans compter

Pour la première fois, un directeur du FMI – Dominique Strauss-Kahn – conseille aux pays qui le peuvent de creuser leur déficit budgétaire. Un revirement qui laisse les gardiens de l'orthodoxie financière pantois et atteste aussi de la gravité de la crise.

La gravité de la crise du crédit est telle que la seule baisse des taux d'intérêt ne suffira pas "à nous sortir de la tempête dans laquelle nous sommes pris actuellement", a averti le nouveau directeur du Fonds monétaire international (FMI) ce week-end. L'organisation internationale qui, pas plus tard qu'à l'automne dernier, appelait les Etats-Unis à "poursuivre leur effort de consolidation budgétaire" effectue donc un virage à 180 degrés puisque non seulement son nouveau directeur, Dominique Strauss-Kahn (DSK), approuve le plan de relance proposé par Washington, mais invite en outre les autres nations à suivre l'exemple américain. "Je ne pense pas que nous sortirons de cette crise grâce aux seuls instruments monétaires, a-t-il déclaré. Des mesures budgétaires nouvelles constitueraient certainement une réponse adaptée à la crise."

Cette déclaration survient alors que les prévisions du FMI sont attendues pour cette semaine et qu'elles devraient indiquer "un ralentissement sérieux [appelant] une réponse sérieuse", a annoncé Strauss-Kahn. La Réserve fédérale américaine tiendra demain une réunion habituelle et les marchés attendent une nouvelle baisse d'un demi-point de son taux directeur, en plus de la réduction de 0,75 point annoncée la semaine dernière [en pleine déconfiture des Bourses mondiales].

Larry Summers, ancien secrétaire américain au Trésor, est encore sous le choc du revirement de DSK. Summers est réputé pour avoir déclaré que le sigle du FMI signifiait "It's Mostly Fiscal" ["le problème, c'est le budget" : IMF, c'est-à-dire les trois lettres de l'acronyme du FMI en anglais], signifiant par là que l'organisation internationale devait se montrer inflexible envers les pays coupables de laxisme budgétaire.

Toutefois, l'inquiétude de l'ancien secrétaire au Trésor est telle que, dans l'hypothèse d'un ralentissement américain et si les autres pays ne prennent pas la relève des Etats-Unis pour soutenir la demande mondiale, Summers est prêt à soutenir Strauss-Kahn. "C'est la première fois en vingt-cinq ans qu'un directeur du FMI appelle au creusement des déficits budgétaires, ce qui est selon moi une façon de reconnaître la gravité de la situation."

La morosité ambiante au Forum de Davos a encore été aggravée ce week-end par les déclarations de John Thain, nouveau PDG de la banque Merrill Lynch, qui a annoncé que la crise des marchés des crédits à risques [subprimes] devrait rapidement s'étendre aux crédits à la consommation. "Le système bancaire ne reviendra pas à la normale avant longtemps", a-t-il annoncé.

La ministre des Finances française, Christine Lagarde, et son homologue indien, Palaniappan Chidambaram, ont accueilli favorablement l'appel lancé par le FMI aux pays disposant de facilités budgétaires pour creuser leurs déficits. La ministre a indiqué que l'Allemagne serait un bon candidat au desserrement budgétaire et le ministre des Finances indien a déclaré : "Si cela est nécessaire, l'Inde dispose d'une certaine latitude budgétaire pour en faire de même."

Faisant directement référence à la Chine, il a également invité Pékin à participer à la relance de l'économie mondiale. "La Chine possède d'importantes marges de manœuvre pour stimuler la demande intérieure". Pourtant, c'est précisément parce qu'ils craignent que la Chine ne compense pas la baisse de la demande américaine que les milieux économiques internationaux trouvent soudain si séduisante l'idée d'assouplir leur discipline budgétaire.

Chris Giles et Gillian Tett
Financial Times


29/01/2008
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