Le Burkina paralysé par une grève générale

Les 17 et 18 décembre 1975, à l’initiative des centrales syndicales d’alors, une grève générale avait paralysé Ouagadougou. En ce jour anniversaire, les secrétaires généraux des centrales syndicales et des syndicats autonomes du Burkina Faso ont tenu à commémorer le mouvement historique à travers une déclaration où ils évoquent leurs préoccupations actuelles et appellent à la mobilisation de active de tous les Burkinabè. Ils appellent également leurs militants au renforcement des structures, à la mobilisation dans l’unité d’actions pour engager des luttes fermes.

Selon les syndicats, les éléments qui ont conduit à ces journées historiques des 17 et 18 décembre 1975 étaient que sous la deuxième République, profitant de l’opposition entre le Premier ministre, Gérard Kango Ouédraogo, et le président de l’Assemblée nationale, Joseph Ouédraogo, le général Lamizana organisa un coup d’Etat le 8 février 1974. Il mettait ainsi fin à la 2e République !

En effet, le 30 mai 1974, le général annonçait la suspension de la Constitution, l’interdiction des partis politiques et la création d’un Conseil consultatif national pour le renouveau (CCNR), composé de 70 (soixante-dix) membres. Ce Conseil était dirigé par un militaire, le lieutenant-colonel de gendarmerie Michel Démé. Il comprenait en son sein huit (8) représentants de centrales syndicales.

Le CCNR était chargé « d’émettre des avis motivés sur le programme du Gouvernement et de sensibiliser les masses populaires". Malgré leur présence dans ce Conseil consultatif, les syndicats appelaient à la vigilance, tout au long de l’année 1974.

« Nous ne permettrons pas aux politiciens de se masquer sous le nom de syndicalisme pour semer la confusion et prêcher l’anarchie et la haine. Nous serons fermes et vigilants à l’égard de tout individu ou groupe cherchant à transformer les syndicats en organisations politiques » avait lancé le général Lamizana au 14e anniversaire de l’Indépendance.

Le 29 novembre 1975, il annonce la formation d’un parti politique, en fait un parti unique, le Mouvement national pour le renouveau (MNR). Ce parti devait constituer le seul cadre de l’activité économique, sociale, culturelle et politique du pays. Tous les Voltaïques étant invités à rejoindre ledit mouvement. La création du parti unique a suscité une vive désapprobation de la part des syndicats.

Dès le 30 novembre, les syndicats dénoncent la politique extérieure de la Haute-Volta, dominée par la France. Sur le plan intérieur, ils dénoncent le Mouvement national pour le renouveau (MNR) comme étant un parti unique et « demandent le retour à une vie constitutionnelle et démocratique normale », annoncent le retrait de leurs représentants du Conseil consultatif national pour le renouveau (CCNR), dénoncent les détournements de deniers publics dont ceux à la caisse de prévoyance sociale, et ceux des céréales destinées aux populations touchées par la sécheresse.

Le 2 décembre 1975, les centrales syndicales adressent une lettre tenant lieu de préavis de grève au ministre du Travail et de la Fonction publique tout en rappelant les préoccupations suivantes : "La gratuité effective de l’enseignement ; la nationalisation effective du service des eaux par le retrait total du capital privé et la gestion effective par les finances de l’Etat ; la révision du Statut général de la Fonction publique ; le réajustement des salaires de 30% en fonction du coût de la vie ; la révision de la pension de vieillesse pour les travailleurs retraités relevant du régime du code de travail ; l’abaissement des prix et des taxes sur les produits importés ; la démocratisation de l’enseignement et la liquidation de l’analphabétisme ; la révolution des techniques agricoles et une éducation réelle des paysans ; la vaccination gratuite du bétail ; la séparation des pouvoirs, un pouvoir populaire et démocratique ; l’arrêt du sous-emploi".

«En cette fin d’année, nous constatons que rien de tout cela n’a fait l’objet d’un acte positif gouvernemental. Mais au contraire, depuis le mois d’août, les taxes augmentent et, pire, la Constitution restant suspendue, le Gouvernement du renouveau national, sans lever l’interdiction des activités politiques, déclare solennellement la création d’un parti politique qui doit servir de cadre à toutes les activités nationales. Considérant que nos légitimes revendications n’ont pas été satisfaites et qu’on n’en parle même pas, nous avons l’honneur de porter à votre connaissance que l’ensemble des travailleurs se mettront en grève de 48 heures sur tout le territoire national dans 15 jours à partir de la date de ce jour, 2 décembre 1975. Conformément au règlement en vigueur, la présente lettre constitue un préavis de grève » ont soutenu les responsables syndicaux.

Ainsi, de façon unanime, les centrales syndicales, CNTV, CSV, OVSL, USTV, ont lancé un mot d’ordre de grève générale pour les 17 et 18 décembre 1975. Ouagadougou était une ville morte. Tous les marchés de Ouagadougou étaient fermés. La grève fut un succès. Cette situation a contraint le général Lamizana à renoncer à son projet de création d’un parti unique.

Aujourd’hui, comme en 1975

Tout comme en 1975, la situation nationale actuelle interpelle le mouvement syndical sur le plan de l’exigence d’un Etat de droit et de la défense des intérêts économiques et sociaux des travailleurs note les syndicats burkinabè à l’occasion de ce 32e anniversaire.

Sur le plan politique, la nette suprématie du Parti au pouvoir, le CDP (73 députés sur 111 à l’Assemblée nationale), renforcée par les partis de la mouvance présidentielle, les atteintes aux libertés démocratiques, les questions pendantes telles les candidatures indépendantes et l’impunité constituent des limites au plein exercice de la démocratie.

Par ailleurs, les préoccupations essentielles du monde du travail, contenues dans 1a plate-forme minimale des organisations syndicales, n’ont pas reçu de réponses satisfaisantes du gouvernement suite aux dernières négociations Gouvernement/ Syndicats des 15 et 16 novembre 2007.

Pour les Syndicats, les préoccupations sont relatives au relèvement du pouvoir d’achat des travailleurs, une augmentation des salaires et une diminution des impôts et taxes, en l’occurrence ceux des produits de grande consommation comme les hydrocarbures ; aux atteintes à la liberté syndicale marquées notamment par des sanctions arbitraires prises contre des responsables et militants syndicaux ; à l’impunité des crimes de sang et des crimes économiques ; à la prise en charge de la santé et de l’éducation du peuple.

Comme l’ont indiqué les conclusions de l’assemblée générale des responsables et délégués syndicaux et du personnel organisée à la Bourse du Travail de Ouagadougou le 20 novembre 2007 autour des résultats des négociations Gouvernement/Syndicats, la prise en compte des préoccupations des travailleurs ne peut s’obtenir sans une mobilisation conséquente de ceux-ci soulignent les Syndicats.

C’est pourquoi, à l’occasion de la célébration du 32e anniversaire des journées des 17 et 18 décembre 1975, les secrétaires généraux des centrales syndicales et des syndicats autonomes appellent leurs militants et l’ensemble des travailleurs du Burkina Faso à se mobiliser pour qu’ils puissent engager des luttes fermes pour la défense des libertés démocratiques et syndicales, pour une gestion saine des biens publics, contre la vie chère, contre la privatisation de l’école et de la santé et contre l’impunité.

En cette fin d’année 2007, malgré la situation difficile du monde du travail, les syndicats exhortent tous les travailleurs à aborder ces fêtes avec dignité et à s’engager dans l’année nouvelle avec plus de détermination dans les luttes pour imposer à la IVe République de Blaise Compaoré la prise en compte des légitimes revendications.

Ramata

Source : déclaration conjointe des différents syndicats



22/12/2007
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