Le besoin d'être parent biologique, malgré la séropositivité !
Que faire
quand on est séropositif et que l'on a envie d'avoir un enfant à soi ? Du point
de vue juridique, c'est un droit incontestable. Par contre cela nécessite une
assistance médicalisée que notre Etat juge trop coûteux Voilà le dilemme de nos
malades du sida. Après la stigmatisation sociale, voilà qu'on inflige un déni de
droit. Il ne reste plus aux malades désireux, malgré tout d'assouvir ce droit,
de prendre des risques : contaminer l'autre conjoint et mettre au monde un
enfant susceptible d'avoir le SIDA. Ce qui n'est pas sans aller contre l'esprit
de la 17e conférence internationale sur le sida qui s'est déroulée du 03 au 08
août 2008 au Mexique et qui a invité à renforcer les stratégies de lutte contre
l'expansion de la maladie. Avec 2,7 millions de nouveaux cas l'an dernier, elle
porte à 33 millions le nombre de personnes affectées en 2007.
Au Burkina
Faso, vouloir procréer pour un séropositif, c'est s'exposer à l'infection ou à
la surinfection. Certes, un Programme national de la prévention de la
transmission mère-enfant (PTME) existe, mais aucune assistance médicale à la
procréation ne prend en charge le malade désirant un enfant. Ce dernier se
débrouille donc comme il peut.
Lorsque le
partenaire de sexe masculin est atteint et a la volonté d'avoir un enfant,
"c'est dans ce cas que l'on prend un risque de transmission du virus à la
femme", reconnaît le gynécologue Souleymane Zan, Point focal sur la
Prévention de la transmission mère-enfant (PTME) à la maternité du CHU Yalgado.
Ce danger de transmission consiste pour la personne infectée d'avoir des
rapports sexuels non protégés avec son épouse. "Etant donné que j'ai un
faible taux de virus dans le sang, nous avons utilisé la méthode naturelle
(rapports sexuels sans protection)" pour concevoir, confie Mamadou
Sawadogo, séropositif. La crainte de surinfection existe également chez les
couples séropositifs n'ayant pas le même type de virus.
Pour le Dr Salam Dermé, Chargé de programme au département santé du Conseil
national de lutte contre le sida et les infections sexuellement transmissibles
(CNLS-IST), dans le cadre de la lutte contre la pandémie, la priorité de l'Etat
burkinabè "c'est permettre à la population d'avoir accès aux
antirétroviraux et à la prévention". Puis, de préciser que dans le cadre
de la Prévention de la transmission mère enfant (PTME), "il existe un
léger programme d'aide à la procréation". C'est l'auto-insémination. Roki,
séropositive et Boucari, séronégatif, donc couple séro-discordant, l'ont
appliqué. Au moment de l'ovulation, une période de fertilité, "à la
maison, je me suis injectée à l'aide d'une seringue sans aiguille contenant le
sperme de mon mari dans mon intimité", raconte pudique Roki. Bien
auparavant, Boucari avait pris le soin de recueillir sa semence dans un
préservatif. Cette pratique lui a évité de se contaminer. "Les femmes qui
s'auto-inséminent ne bénéficient que de conseils des agents de santé. Au moment
de l'application, aucun médecin n'est là pour les assister", reconnait
Ernest Ouédraogo, Attaché de santé à la Direction de la santé de la famille.
Laver le
sperme
Pourtant, des
recours modernes à l'enfantement existent. C'est l'assistance médicalisée à la
procréation (AMP).
L'AMP consiste à éliminer le VIH du sperme. Ledit fluide est en quelque sorte
"lavé" pour "séparer les spermatozoïdes du liquide séminal, car
c'est ce dernier qui contient le virus" explique le gynécologue Souleymane
Zan. Ce nettoyage donne des spermatozoïdes sains et "une insémination ou
une fécondation in vitro permet de les implanter dans l'utérus de la
femme", précise le spécialiste.
Outre les personnes séropositives, celles malades de l'hépatite B ou C,
infections également transmissibles par voies sexuelles et sanguines, procèdent
de la même façon pour procréer. Cela anéantit le risque de contamination du
partenaire et de l'enfant. Le dispositif AMP, selon le Dr Salam Dermé du
CNLCS-IST, "n'est pas une priorité" pour l'Etat burkinabè. Pas plus
qu'elle ne l'est pour les partenaires financiers. Et Mamadou Sawadogo,
séropositif et coordonateur du Réseau pour une plus grande implication des
personnes vivant avec le VIH (Regipiv), l'a appris à ses dépens : "l'année
dernière, je l'ai (le dispositif de l'assistance médicalisée à la procréation
-AMP) mis dans un projet et ils (bailleurs de fonds) l'ont éjecté".
Offusqué, il ajoute : "ils ne veulent pas qu'on fasse des enfants".
Puis de se questionner "Mais cela coûte combien?" "Pas moins de
300 à 500 millions de f CFA pour un seul dispositif", rétorque Dr Salam
Dermé. Pour ce dernier, le système AMP est trop coûteux pour un pays comme le
Burkina. Tout comme le prix d'environ deux millions de F CFA proposés par les
quelques cliniques de la place qui disent procéder au lavage de sperme et à
l'insémination. Cela étant, seuls les couples nantis peuvent y accéder. Car
selon l'Institut national de la statistique et de la démographie, en 2003, 46%
des 13 millions de Burkinabè vivaient sous le seuil de pauvreté avec environ
A l'Unicef, une autre source soutient que la PTME, englobant le dépistage, le
suivi pendant la grossesse et l'accouchement, est moins couteuse que le
dispositif AMP. La PTME permet déjà de prendre en charge la mère et l'enfant
fait-elle remarquer. Sur 100 enfants contaminés, 75% le sont à l'accouchement,
25% pendant la grossesse, affirme le Dr Souleymane Zan. La PTME ne réduit que
le risque de contamination à l'enfant durant la grossesse et ou l'accouchement.
Concernant ce programme, cette source de l'Unicef admet qu'elle ne prend pas en
compte le conjoint. Cet état de fait est également dénoncé par Mamadou Sawadogo
qui trouve que presque tous les services de santé sont faits pour les femmes.
Pour pallier cette situation, l'Unicef assure qu'un travail de communication
active est en train d'être fait afin que le conjoint fasse partie de la PTME
qui deviendra par la suite Prévention parents-enfant.
Le VIH se
propage toujours
En attendant
cette évolution, parmi les bénéficiaires de la PTME existent des femmes qui
n'ont découvert leur sérologie qu'au moment de leur grossesse. "Et c'est
sûr qu'elles ou leurs partenaires sont soit infectés ou surinfectés du fait
qu'aucune précaution n'a été prise lors des rapports sexuels", affirme
Brigitte Thiombiano, sage-femme et attachée de santé à la Clinique des sages
femmes. Outre cela, nombreux sont les hommes atteints du VIH-sida qui ont de
multiples partenaires sexuels. Ce qui contribue à repandre l'infection. Au
Burkina, selon le Dr Salam Dermé, la pratique sexuelle est à plus de 90% la
source de transmission du VIH-Sida. D'après l'Onusida et l'OMS, en 2006, le
nombre de personnes malades du VIH-SIDA au Burkina Faso était de 140 000
adultes. Parmi eux, on comptait 80 000 femmes et 10 000 enfants. Les femmes en
état de grossesse étaient au nombre de 29 010. Ces chiffres montrent que ce
sont les femmes qui sont les plus atteintes par la pandémie. Or, si leur
conjoint est infecté, ce dernier leur transmettra la maladie car en matière de
procréation, "vous ne pourrez jamais, jamais, empêcher une femme de faire
un enfant…", lance sentencieux Mamadou Sawadogo. C'est pourquoi,
"depuis 2005, je me bats pour aider les couples sérodiscordants à
concevoir sans risque".
Ainsi pour lui et bien d'autres personnes, l'existence d'une assistance
médicalisée au Burkina contribuera doublement à intégrer les compagnons dans le
système sanitaire et à lutter contre le VIH-SIDA. Aussi, trouve-t-il dommage
que les bailleurs de fonds et l'Etat burkinabè "ratent l'occasion".
Ramata.sore@gmail.com