La première bougie de la FEDAP/BC
Il faut désormais s'attendre à un rituel de plus dans la panoplie des activités commémoratives du 15 Octobre. La FEDAP/BC a en effet choisi cette date historique pour venir au monde. Au-delà du choix d'une date, il faut rechercher le sens que les initiateurs de ce mouvement ont voulu lui conférer. Les historiens disent que seul le contexte donne du sens aux événements. Or, cette date dont l'importance ne cesse de grandir tant dans les faits que dans les esprits apparaît comme une tâche noire dans le profil politique de Blaise Compaoré, l'idole des adhérents de la FEDAP.
Malgré la piteuse image qu'offrent les héritiers du président du Conseil National de la Révolution (CNR), le souvenir du héros demeure vivace. Comment exister à côté de cette réalité aussi massive ? Sur les conseils de charlatans de service, Blaise Compaoré a englouti d'énormes sommes d'argent pour effacer de la mémoire des Burkinabè cet épisode cannibalesque de son irruption au sommet. Les Burkinabè sont loin d'imaginer tout ce magot dépensé pour l'image : ces publi commandés dans les grandes revues occidentales, les livres hommages et que sais-je encore ? Tout cela pour aboutir à quoi ? Nous ne dirons pas à rien car ce ne serait ni conforme à la réalité ni moralement juste.
Blaise Compaoré est un président qui a su prendre la mesure de l'importance de la communication. Il s'impose aujourd'hui dans notre sous région comme une personne ressource incontournable, même si l'on observe ici et là quelques résistances à ce leadership sans doute jugé immérité. En Afrique, on peut le citer parmi les dix chefs d'Etat les plus connus, et à l'international, il tente tant bien que mal de se construire une image de faiseur de paix. Tout cela est bon pour le moral, mais le pari pour lui se situe ailleurs.
La création de la FEDAP/BC est un début de réponse à ce lancinant souci de laver l'opprobre qui lui colle à la peau. En réalité, Blaise ne comprend pas bien ce qui lui arrive. C'est lui qui a porté les armes de la révolution et qui a installé son ami Thomas aux rênes du pouvoir. C'est encore lui qui aurait été à la base de l'écrasement des contre révolutions. C'est enfin lui qui a ouvert la brèche dans la révolution pour desserrer l'étau de l'Etat révolutionnaire dont l'autoritarisme destructeur avait fini par excéder de nombreux Burkinabè.
La FEDAP/BC est née pour nous rappeler tout cela, au besoin par le marteau. Pour l'heure, il sensibilise et tente des opérations de charme à travers des distributions de vivres tout en travaillant à parachever son architecture. Sur son chemin, il y a pas mal de ronces, la vie étant une dialectique où ce qui est nouveau est la négation de l'ancien. Malheureusement, tout ce qui est nouveau n'est pas forcément viable. Pour être viable, la FEDAP devra en faire la preuve. En matière de construction sociale, l'armature qui donne de la solidité au mortier, c'est la valeur de l'idéal poursuivi. Un an, ce n'est certes pas suffisant pour mesurer ses forces, mais la FEDAP a au moins pu prendre la mesure du travail qui l'attend.
Nous sommes dans un monde où les métiers se créent et se multiplient avec plus ou moins de fortune. La FEDAP qui est fille de son temps est née pour vendre une image que notre confrère Le Pays a su ramasser en quelques mots : " rassembleur, médiateur, homme de paix et de dialogue, promoteur des droits humains, artisan de paix. " Le héros est assurément très fort pour réunir tant de qualités. Malheureusement, les héros sont eux aussi soumis à la dialectique temporelle. Blaise Compaoré est aujourd'hui dans l'antichambre du troisième âge.
C'est bien gentil de vouloir l'accompagner, mais il va falloir un jour s'arrêter pour chercher l'étoile polaire. Comment donc s'orienter quand elle aura perdu son éclat ? Peut-être bien que le troupeau ne demande pas mieux que de se reposer en même temps que le berger. Il faut rendre grâce au docteur (Arsène Yé) et aux deux professeurs (Kouraogo et Guissou) qui, en ce premier anniversaire de la FEDAP/BC, ont montré qu'ils savaient être d'excellents vendeurs d'illusions.
Germain Nama