L'obamania gagne l'Amérique rurale

 A l'issue du débat du 15 octobre, Barack Obama semble avoir conforté sa position de favori, y compris dans des régions connues pour leur ancrage républicain. Dans l'Ohio, Etat clé pour le scrutin, le discours économique du candidat démocrate a séduit.

A McArthur, petite ville rurale et conservatrice de l'Ohio, Barack Obama gagne du terrain. A trois semaines à peine de l'élection, les experts estiment qu'à moins d'un revirement de dernière minute le républicain John McCain aura bien du mal à remonter la pente. Un défi que son équipe de campagne, qui a déjà été considérée comme battue par le passé, se dit ravie de relever. Mais les obstacles qui se dressent devant lui sont de taille, même ici, dans le comté de Vinton, sur les contreforts des Appalaches, dans le sud-est de l'Ohio, où George W. Bush l'avait emporté de dix points en 2004. C'est une région où les convictions sont inébranlables sur des questions comme le mariage homosexuel et l'avortement, mais qui est également confrontée à une dure réalité économique.

En général, lorsque les sujets de société dominent le débat politique, les républicains s'en sortent bien. Mais, quand l'économie prend le dessus, les démocrates peuvent se révéler de redoutables adversaires. Et c'est ce que fait Obama. Ces derniers jours, les deux candidats sont venus faire campagne dans la région. Obama a même décidé de rester ici pour se préparer à affronter McCain lors du dernier débat présidentiel, le 15 octobre. Comme partout ailleurs dans le pays, la crise économique et financière préoccupe la plupart des électeurs. Traditionnellement, l'Ohio a toujours été un indicateur de tendance pour l'ensemble de la nation, une étape essentielle sur le chemin qui mène à la Maison-Blanche. Aucun candidat républicain n'a jamais conquis la présidence sans avoir d'abord remporté les voix des vingt grands électeurs de cet Etat. Aucun démocrate non plus, d'ailleurs, du moins dans l'histoire récente.

Dans le comté de Vinton, le revenu moyen est de 25 000 dollars [18 300 euros] par an. C'est pour cela, entre autres, que Patty Elkins, propriétaire du restaurant Main Street Diner, affirme qu'elle ne peut pas augmenter ses prix. Un croque-monsieur coûte 1,50 dollars. C'est également pourquoi, pense-t-elle, le démocrate Obama séduit l'électorat local. "C'est une région très pauvre du pays et de l'Ohio, c'est la plus pauvre", explique-t-elle. Sa famille est propriétaire de l'établissement depuis 1984. "Ici, les gens sont prêts au changement, ils ne peuvent pas payer plus cher l'essence et la nourriture, ils ne peuvent tout simplement pas et, donc, ils se tournent vers quelqu'un qui leur dit : 'Je vais m'occuper de l'économie, je vais m'occuper du système de santé, je vais essayer de redresser la situation'." Laura Harms et sa fille Jennifer déjeunent dans le restaurant. Mme Harms vient d'une famille "républicaine convaincue, tout à fait convaincue". "Quand on va voter, c'est uniquement républicain", lance-t-elle. Mais elle a toujours eu un côté indépendant. Elle affirme qu'elle aime voter pour la personne qui lui semble la meilleure. En 2004, elle a penché en faveur de George W. Bush. Mais, cette année, le meilleur, c'est Obama. Avec sa fille, elle votera pour lui.

"Aujourd'hui, j'en ai plus qu'assez de la façon dont les républicains agissent, explique-t-elle. Quand on a demandé à McCain combien de maisons il avait et qu'il a répondu : 'Je ne sais pas', je me suis dit : Holà ! Laisse tomber, mon pote, t'as rien à voir avec, moi et mes filles." Ici, pour certains, la question raciale est également un problème. Aaron Brooks, sur le chemin du tribunal local, où il a rendez-vous, nous dit qu'il est démocrate, mais qu'il soutient McCain plutôt qu'Obama. "Il est noir, commente-t-il. Ce n'est pas que je pense qu'il ne fera pas du bon boulot ; c'est juste que je ne pense pas qu'il fasse du bon boulot pour nous les Blancs. C'est ce que je ressens." Les instituts de sondages ont souligné que, pour certains électeurs, il restait des questions en suspens à propos des origines d'Obama. Mais ils estiment que la campagne se jouera sur les problèmes économiques. Ils considèrent en outre qu'au bout du compte la candidature d'Obama pourrait avoir un effet salvateur. "Nous sommes là en présence des derniers vestiges du racisme dans ce pays", constate le spécialiste des sondages John Zogby. "Mais en ce qui concerne l'élection, il ne fait aucun doute que la crise financière de ces dernières semaines a vraiment torpillé le tandem McCain-Palin."

Des récents sondages dans l'Ohio montrent qu'Obama est en tête d'au moins 5 %. Toutefois, on recense encore 6 % d'indécis - comme Tressa Sexton : membre du Parti républicain, "seulement à cause de mon mari", elle dit être en réalité démocrate. Elle ne sait toujours pas pour qui elle va voter, en partie parce qu'elle ne fait pas confiance aux politiciens en général. "Ils peuvent dire ce qu'ils veulent, mais, quand on voit l'économie ces dernières années, c'est les gros qui ont tout pris", dit-elle d'un ton grinçant. Le 13 octobre, l'institut de sondages Marist Poll annonçait que, dans tout l'Ohio, la course à la présidentielle "n'est plus un match nul statistique". Chez les électeurs inscrits, Obama devance désormais McCain, avec 48 % contre 40 %. Chez les électeurs probables, y compris les indécis cependant favorables à un candidat, il récolte 49 % des intentions de vote, pour 45 % à John McCain.

Alexandra Marks
The Christian Science Monitor



19/10/2008
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