L'affairisme, une menace pour les espaces publics
De combien de réserves administratives et d'espaces verts dispose l'Etat ? A ce jour ? On n'a pas de chiffres au niveau du ministère de l'habitat et de l'urbanisme pour le moment. A Ouagadougou, en 2006 les services techniques de la commune avaient inventorié quelques 1043 espaces verts dans la ville. La gestion de ces espaces publics est en principe réglementée. De fait, il y a problème car les espaces verts sont l'objet de nombreuses convoitises.
Que ce soit au niveau du ministère de l'habitat ou des autorités municipales on est conscient d'une chose. Le bilan de la gestion n'est pas reluisant. Le constat est là. Nombre de ces espaces ont changé de destination. Une étude est en cours sur la question et les résultats devraient passer devant le conseil de ministre dans les semaines à venir. Nous dit-on au ministère de l'habitat et de l'urbanisme. Un communiqué de la mairie de Ouagadougou diffusé dans la presse ces derniers jours appelle les occupants illégaux de ces espaces à quitter les lieux avant la fin de l'année. Dans les arrondissements, des équipes de la municipalité sont en train d'identifier ces lieux pour faire le point. On assure aussi de ce côté que des mesures énergiques seront prises. L'Etat a cédé la gestion de ces espaces aux collectivités. Les réserves administratives sont des espaces prévus lors des lotissements pour la réalisation d'équipements collectifs. La destination n'est pas toujours précise. Il s'agit généralement d'infrastructures sociales telles que écoles, centres de santé…Pour ce qui est des espaces verts, la destination est toujours précise. Ils sont destinés à la réalisation d'infrastructures de détente. Par conséquent, ils sont imprescriptibles. Ils ne peuvent pas changer de destination. Mais la réalité est tout autre sur le terrain. Dans la seule ville de Ouagadougou 73 espaces verts ont déjà changé de destination et 455 étaient illégalement occupés selon le point fait par la municipalité en 2006. Certains de ces espaces sont devenus des lieux de culte et de commerce divers. Les autorités municipales éprouvent des difficultés pour déguerpir les occupants. De nombreuses réserves sont devenues des dépotoirs publics dans les quartiers. Les maires sont aussi accusés de vendre ces espaces publics à des particuliers. Depuis le début des années 1990, la libéralisation a atteint le secteur du foncier urbain. Même si la Reforme agraire et foncière (RAF) souligne que la terre appartient à l'Etat, les réserves administratives peuvent désormais être cédées à des particuliers. D'ailleurs dans les nouveaux lotissements, on ne parle plus de réserves administratives mais plutôt de réserves foncières. Le caractère administratif qui renvoie à l'Etat n'existe plus. Ce qui a ouvert la porte à toutes sortes de pratiques sur le terrain. Un individu peut désormais demander à investir sur ces espaces publics. Pour le directeur de la planification M. Marcel Kyelem cela n'a rien d'irrégulier dans le principe. "La destination de la réserve n'est pas précisée. A priori, c'est destiné à des infrastructures connexes à l'habitat. Mais on n'exclut rien. L'espace peut être attribué à un individu qui en fait la demande au niveau de la mairie. Il précise ce qu'il veut en faire et les services techniques donnent leur avis. Et le maire prend la décision de vous accorder ou de vous refuser l'espace" explique Marcel Kyelem. La procédure n'est pas simple et les textes ne sont pas toujours clairs. Il n y a pas d'appel d'offres. Mais il arrive qu'il y ait plusieurs demandeurs sur le même espace et qui proposent le même investissement. Et quand les conditions sont remplies et que les dossiers sont solides, les techniciens donnent un avis favorable. Le reste relève du maire. Et c'est là le problème. Du moment où le choix de l'attributaire est laissé à la seule appréciation du maire, cela est forcément subjectif. Les maires ont désormais libre cours pour agir. La réserve administrative n'a pas le même statut que la réserve foncière. Les maires n'ont plus besoin de passer par le conseil des ministres pour déclasser la réserve foncière comme c'était le cas avec la réserve administrative. L'avis des services techniques suffit pour prendre la décision. Conséquence, de nombreuses réserves dans les zones nouvellement loties ont été morcelées et attribuées à des particuliers pour réaliser des investissements sociaux ou des activités économiques. On ne se bouscule pas autant sur les espaces verts. Dans la ville de Ouagadougou, sur les 1043 espaces verts existant en 2006 seulement 43 étaient aménagés. La réglementation autorise pourtant les collectivités à céder les espaces verts à des privés. Du côté de la direction des aménagements paysagers on reconnaît que ce nombre n'est pas énorme même si on ne doit pas perdre de vue la ceinture verte et Bang Weogo qui sont de grands espaces plus ou moins aménagés. Selon une source proche des services techniques du ministère de l'habitat, la raison du sous aménagement de ces espaces est simple. Les opérateurs économiques sont les principaux demandeurs des grands espaces. Ils cherchent des lieux de profit et non de récréation. "La plupart de ceux qui demandent ces grands espaces publics sont des gens qui ont les moyens et quand ils demandent c'est pour des investissements lourds qui puissent leur rapporter gros. Pourtant, contrairement aux réserves foncières on ne peut pas changer la destination de ces espaces. Dans leurs calculs, les jardins remplis de fleurs et d'arbres ne peuvent pas leur rapporter cela. Si vous voulez en faire autre chose qu'un lieu de détente l'avis des services techniques est défavorable" Mais les maires n'ont pas toujours ces avis des services techniques. A la direction des aménagements paysagers on dit être très regardant sur les dossiers des demandeurs. "Dans le dossier, le demandeur précise les réalisations qu'il veut effectuer. Pour nous, ces endroits sont des lieux de récréation. il doit y avoir plus de verdure et moins de béton et de bâtiments. Mais il y en a qui sont malins et veulent construire des bâtiments. Quand c'est comme ça nous tenons à ce que l'intéressé diminue les bâtiments et mette l'accent sur la verdure." Explique le directeur des aménagements paysagers. Le rythme de valorisation de ces espaces reste faible. Les autorités municipales ont décidé en 2008 d'améliorer la situation des espaces verts. Un espace vert devait être aménagé dans chacun des 5 arrondissements par an. On veut également inciter davantage le privé à aménager ces espaces. Ce sont les moyens qui manquent à la commune pour les aménager. Clame t-on du côté des autorités municipales. En attendant que le privé réponde à l'appel, le reboisement de ces sites semble la solution palliative préconisée. Cela permettrait de rendre ces endroits utiles à la population et d'éloigner les occupants illégaux. "C'est parce que ces espaces sont nus en pleine ville qu'ils attirent la convoitise et que certains viennent s y installer anarchiquement. Si ces espaces sont traités biologiquement, ce sera des lieux de repos pour les gens et ne feront plus l'objet de convoitise." Estime Issa Savadogo. Moussa Zongo