"J'ai enterré Sankara"
« J’ai enterré Sankara »
C’est la première fois que quelqu’un affirme avoir vu le corps de Sankara et les conditions de son inhumation. Pour l’instant il tient quand même à garder l’anonymat parce que explique t-il, sur les vingt trois personnes qui ont enterré les suppliciés du 15 octobre, il n’en reste plus que quatre qui vivent encore. Notre interlocuteur ne tient pas pour l’instant à se faire connaître, mais les détails qu’il donne sur l’enterrement autorisent qu’on ait foi à ses dires. Et puis cette personne n’est pas n’importe qui aujourd’hui. Voici le récit tel qu’il nous l’a livré.
J’étais à l’époque détenu à
Arrivé au cimetière, le régisseur nous demande de creuser une fosse commune. Je lui demande s’il n’est pas possible d’individualiser les tombes. Il s’énerve un instant et je ne sais pour quelle raison, il finit par accepter ma proposition. Nous lui demandons, pour combien de personnes ? Il nous répond une dizaine. Il nous dit de faire vite, parce qu’il ne tient pas à ce que le jour se lève nous trouver ici.
Pour Sankara, «Je dois dire que sa tombe a été creusée avec beaucoup de respect. Tous les vingt que nous étions, avons participé à creuser la tombe. Ce n’est pas une tombe, comme nous avons l’habitude de voir. C’était un puit profond. Mais pour les autres je ne peux pas dire que les trous étaient vraiment profonds. Après ça nous avons entrepris, avec l’aide du régisseur d’identifier les corps à la lumière des phares des deux Vêlera militaires. J’ai pu ainsi voir le corps de Sankara. Cette image me restera toute la vie. Son corps était intact. Le fait qu’il ait porté un survêtement de sport rouge empêchait de voir le sang. Je pense qu’il a été touché au niveau de la poitrine. Thomas avait les poings fermés même lorsque l’un de ceux qui ont creusé la tombe a enlevé son alliance. Il avait le visage gai et impassible, comme s’il voulait transmettre un message. Celui du combat. Et à jamais, j’aurai toujours cette image en tête.»
Notre témoin affirme qu’il connaît le prisonnier qui a ôté l’alliance de Sankara et ses basquets. Cette alliance a été par la suite rachetée par Mohamed Diawara, un des responsables de