Hongrie : Polémique au sujet d'un article jugé "antisémite"
Le
quotidien Magyar Hirlap, proche de l'opposition de droite, est accusé
d'avoir publié les "pires commentaires antisémites depuis la Seconde
Guerre mondiale". Une affaire sur fond de crise politique.
Une
centaine d'intellectuels hongrois ont adressé, fin mars, une lettre ouverte au
patron du quotidien Magyar Hirlap (proche du parti d'opposition de droite
Fidesz), lui demandant des explications sur la publication d'un article
d'opinion contenant, selon les signataires, les "pires commentaires antisémites
depuis la Seconde Guerre mondiale" en Hongrie.
Le texte,
signé par le journaliste Zsolt Bayer, était une réaction aux propos tenus par
son confrère Rudolf Ungvary, travaillant pour le quotidien de gauche Nepszabadsag,
lors d'une émission de télévision de grande audience. Ungvary estimait que, si
la Fidesz remportait les prochaines élections législatives, "le pays
serait dirigé par les descendants des concierges qui tuaient les Juifs avant de
les jeter dans le Danube", une phrase se référant aux pogroms durant la
Seconde Guerre mondiale en Hongrie, sous l'occupation nazie.
S'en prenant violemment aux Juifs proches du pouvoir durant la période
communiste, Bayer écrit, visiblement en référence à la guerre des Six-Jours -
unanimement dénoncée par le camp socialiste -, que, "en 1967, les Juifs de
Budapest haïssaient Israël. Aujourd'hui, ces mêmes journalistes juifs haïssent
les Arabes, la Fidesz et nous. Ils nous haïssent plus que nous les haïssons
(...). Leur seule existence justifie l'antisémitisme."
Dans le même texte, Bayer raconte également un "incident" dont il
affirme avoir été témoin dans une piscine de Budapest, impliquant un
"écrivain juif hongrois" dont il ne révèle pas le nom. Ce dernier se
serait fait réprimander pour s'être "mouché dans la piscine" avant
d'accuser les responsables de la piscine d'antisémitisme. Un épisode, qui selon
Bayer, illustre bien les réactions des Juifs aux critiques.
Ibolya David, responsable du Forum démocratique hongrois, un parti conservateur
qui est également dans l'opposition, a publié sur le portail index.hu une autre lettre ouverte
dénonçant des propos "scandaleux et déplorables". Selon elle, Magyar
Hirlap a "franchi une ligne jaune qu'aucun chrétien ni aucun démocrate
ne devrait franchir". Reconnaissant des propos "très forts, ouverts à
la mauvaise interprétation, voire blessants", le patron de Magyar Hirlap a défendu le "droit à la
liberté d'expression" de son journaliste. Zsolt Bayer a également
refusé de présenter des excuses pour ses propos.
Cette polémique survient en pleine crise gouvernementale, à la suite du
limogeage de la ministre de la Santé, Agnes Horvath. Son parti, l'Alliance des
démocrates libres, partenaire minoritaire du gouvernement du Premier ministre
socialiste Ferenc Gyurcsany, a annoncé son départ de la coalition au pouvoir.
Le gouvernement avait déjà essuyé le 9 mars une nette défaite au référendum
provoqué par la Fidesz, ce qui l'a conduit à reconsidérer son programme de
réformes destinées à juguler le déficit public. La Fidesz demande désormais des
élections anticipées.
Alexandre Lévy (avec Agnès Jarfas)