Google crée son encyclopédie contributive

Google se lance dans une nouvelle aventure avec le site Knol", sur lequel les internautes peuvent s'exprimer dans des domaines qu'ils connaissent bien et apposer leur signature. L'entreprise entend rivaliser avec l'encyclopédie en ligne Wikipedia, qui autorise l'anonymat des contributeurs.

Google, le moteur de recherche le plus utilisé de la Toile, avec 95 % du marché en Espagne et 61 % dans le monde, lance Knol, son encyclopédie électronique. Le projet, qui est encore en phase de test, sera en concurrence avec Wikipedia pour assouvir l'insatiable curiosité des internautes.
Knol, abréviation de knowledge (connaissance, en anglais), est le nom donné à l'encyclopédie mais aussi à chacune de ses entrées : on recense déjà plusieurs centaines de "knols".

Alors que Wikipedia propose une page unique pour chaque concept, les entrées de Knol se composent de plusieurs articles sur un même thème. A la différence de Wikipedia, qui se veut neutre, l'encyclopédie de Google compile les opinions d'individus souvent experts dans le domaine en question, qui rédigent et signent les articles. Google se démarque ainsi de l'une des caractéristiques identitaires de Wikipedia : privilégier l'anonymat. Selon le géant d'Internet, qui a présenté son projet au public la semaine dernière, il s'agit de "donner une reconnaissance aux auteurs" et de leur fournir un outil leur permettant de "partager leur savoir et d'interagir avec la communauté". Autre différence avec la grande encyclopédie en ligne, les lecteurs ne peuvent ni éditer ni compléter une entrée sans l'autorisation de son auteur.

Mais la nouveauté la plus marquante voulue par le groupe californien tient à ce que les auteurs vont pouvoir insérer de la publicité sur leurs entrées par le biais du système AdSense. Adieu à la main-d'œuvre bénévole et volontaire qui a fait le succès de Wikipedia, habituée à figurer dans le top 10 des pages les plus visitées [consultées] dans le monde. Google offrira aux auteurs "une partie substantielle" des revenus qu'elle obtiendra – mais elle n'a pas encore précisé combien.
Bien sûr, ces messages publicitaires seront gérés par Google, dont les bénéfices sont assurés à plus de 90 % par la publicité. Le risque est que Knol compte beaucoup plus d'entrées sur les mots ou concepts "vendeurs", agrémentés d'une publicité rémunératrice, que sur les thèmes moins lucratifs.

Dans leur dernier duel en date, Google et Wikipedia se sont affrontées pour le prix de la Fondation Prince de Asturies dans la catégorie communication et sciences humaines : c'est la californienne qui l'a remporté, pour la "gigantesque révolution culturelle" dont elle est à l'origine. Pourtant chez Wikipedia – qui fêtera en septembre prochain ses dix ans d'existence – on ne redoute pas la nouvelle aventure du géant américain; on se dit même satisfait "de ce projet qui soutient la diffusion gratuite du savoir".

Ce passage à la création de contenus de la part du premier moteur de recherche sur Internet suscite la méfiance de nombre d'experts. Google aura en effet intérêt, financièrement parlant, à indexer (c'est-à-dire à classer les pages de résultats) favorablement les articles de Knol pour faire remonter son contenu dans les premières pages de résultats. La compagnie assure pourtant qu'elle restera neutre : "Les knols seront indexés comme toutes les autres pages, en fonction des liens pointant vers elles, et n'auront pas de traitement spécifique."

Pour Enrique Dans, professeur à l'Instituto de Empresa de Madrid, "il est peu probable que Google modifie son algorithme, mais elle peut créer des pages modèles qui s'indexent facilement." Car personne ne sait mieux que l'entreprise californienne comment concevoir une page de façon à ce qu'elle apparaisse dans les premiers résultats d'une recherche. "Il n'est pas bon que Google génère des contenus et possède ainsi une partie de ce qu'elle indexe elle-même," estime Enrique Dans. "Les utilisateurs vont devoir être attentifs, confirme Jeff Chester, directeur du Center for Digital Democracy (centre pour la démocratie numérique), car "la publicité est en train de bouleverser la culture de Google." Le géant californien poursuit son irrésistible ascension. Après Google Earth, Google Maps et YouTube, voici venue la Googlepedia.

Antía Castedo
El País



02/08/2008
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