Décembre : un mois historique pour célébrer l'unité d'action syndicale

Pour leurs 10 ans d'unité d'action syndicale, les organisations syndicales ont marqué un temps d'arrêt pour faire le bilan. Malgré les difficultés rencontrées, ils ne dissimulent pas leur satisfaction face aux résultats de leurs luttes. Les 17 et 18 décembre derniers, ils ont célébré les journées glorieuses de luttes syndicales de 1975, une manière de réarmer moralement les militants en vue des luttes à venir.

Voilà 10 ans que les organisations syndicales du Burkina portent les mêmes revendications à travers luttes unitaires. Un des acquis de ces luttes, c'est une considération plus grande de la part du patronat à l'égard des représentants des travailleurs. Augustin Blaise Hien de la Confédération Nationale des Travailleurs du Burkina (CNTB) est satisfait. En terme de bilan de l'unité d'action syndicale, il exulte. Pendant les 10 années, ils ont organisé marches meetings et fêtes de 1er Mai dans l'union. Il relève le même constat à la base. Pour des raisons objectives, les différentes tendances dans les syndicats vont en rangs serrés pour les négociations dans les entreprises, bien avant l'unité au sommet, explique-t-il. En terme d'acquis, les uns et les autres émettent des avis positifs. Et le secrétaire général de la Confédération Syndicale du Burkina (CSB), Jean Mathias Liliou de citer : le déplafonnement de l'assiette qui est passé de 200 000Fcfa à 600 000Fcfa au niveau de la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Il cite en outre l'annuité de la retraite qui passe de 1,33 à 2%, sans oublier les augmentations salariales avoisinant 17%. De temps en temps, l'exécutif lâche du lest et permet au consommateur de gagner quelques francs dans la consommation de carburant. Le relèvement de la cotisation sociale, de l'allocation familiale et du SMIG de 6,5 en 2006, la budgétisation des arriérés des agents de la Fonction publique, l'institution de l'indemnité de fin de contrat pour les fonctionnaires…
Ce sont là quelques exemples d'acquis engrangés par les syndicats au cours des 10 années de lutte. En ce qui concerne les faiblesses, ils notent la faible adhésion des travailleurs dans les syndicats et l'indifférence du secteur informel dans les batailles que livrent les organisations syndicales contre le patronat et le gouvernement. M. Liliou estime que pour 300 000 travailleurs, il y a moins de 60% qui sont syndiqués. M. Hien de la CNTB n'est pas loin de penser la même chose. Mais pour lui, c'est la donne qui a changé. Il y a lieu donc d'adapter le discours aux réalités du moment. Parce que, dit-il : "on ne peut mobiliser les gens que sur la base de leurs intérêts."

Le partenariat avec la société civile

Un autre facteur de démobilisation invoqué, c'est la précarité de l'emploi. Ceux qui ont l'opportunité d'avoir du boulot ne veulent pas avoir de problèmes avec les patrons qui considèrent les syndicats comme des organisations subversives. Toute chose qui ne favorise pas la mobilisation. Autre insuffisance, c'est la revendication de l'augmentation de salaire de 25%. Elle est restée en l'état, même si de temps à autre, le pouvoir consent des broutilles. La vie chère qui est une autre réalité vient se greffer à un pouvoir d'achat déjà fragilisé et crée les conditions d'une ouverture plus large vers les organisations de la société civile en vue de coalitions plus larges pour la défense du pouvoir d'achat. La lutte se mène sur deux fronts estime Mamadou Barro du SYNTER : On revendique l'augmentation des salaires et on se bat également pour que les prix des produits baissent. Il ne sert à rien de se battre pour une hypothétique augmentation des salaires pendant que les prix flambent, affirme-t-il.

La RGAP et ses réformes

La Réforme de l'administration publique a donné lieu à des batailles importantes qui ont permis la relecture de la loi 13 suivi de la loi corrective 019 de mai 2005 puis de validation les 26, 27 octobre 2009 de l'étude des consultants sur "la RGAP 10 ans après". Cette étude a préconisé l'élaboration d'un plan stratégique décennal de modernisation de l'administration publique. A l'ombre de l'unité syndicale, le dialogue social fait son petit bonhomme de chemin. Pour Augustin Blaise Hien, depuis au moins 3 ans, les rencontres périodiques entre syndicats et gouvernement permettent à ces 2 entités de s'expliquer sur certains points et les débats sont empreints de courtoisie malgré les divergences de points de vue. Les syndicats, en dépit de la cordialité des rapports entretenus avec l'exécutif, déplorent certaines mesures liberticides comme la sanction qui pèse sur les travailleurs du ministère des Affaires étrangères regroupés au sein du SAMAE à la suite d'une grève pourtant déclenchée dans des conditions légales.

Vers une fondation de la recherche syndicale

Incontestablement, la problématique aujourd'hui pour les syndicats, c'est la formation de leurs adhérents. La CNTB et le SYNTER disent y veiller scrupuleusement en raison du rajeunissement des bases. Même antienne dans le discours commémoratif : "Nous avons décidé de donner droit à plusieurs recommandations des ateliers et séminaires de nos programmes d'éducation quant à la nécessité de doter le mouvement syndical d'instruments forts, d'éducation ouvrière, de recherche syndicale pour pallier aux insuffisances de littérature sur le mouvement syndical." Il en résulte que les syndicats appellent de leurs vœux la mise en place d'une fondation de la recherche et de la formation. Cette structure pourrait favoriser l'écriture de l'histoire syndicale au Burkina et soutenir des initiatives individuelles qui se mènent déjà dans ce sens. La commémoration des 10 ans d'unité syndicale a été l'occasion de valider une revue syndicale. L'unité organique des syndicats burkinabè est vivement souhaitée, mais des obstacles objectifs existent. Pendant longtemps, les syndicats burkinabè ont servi de refuge aux partis politiques de l'opposition qui en ont fait un moyen de pression sur les gouvernants. Mais cette posture des syndicats a montré également ses limites. La question aujourd'hui est de savoir comment ces expériences historiques pourront servir de terreau à une prise de conscience plus grande en vue d'une unité d'action plus solide. C'est en tout cas le vœu de la grande majorité des travailleurs burkinabè. Le mouvement syndical a ses références. Les dates des 17 et 18 décembre sont un bel exemple en matière de lutte unitaire déterminée contre la dictature du parti unique qui se profilait à l'horizon à travers la création par le général Lamizana, chef d'Etat, d'un mouvement politique, cadre unique de mobilisation des Voltaïques. Le peuple s'était alors insurgé à travers les syndicats pour dire non à la dictature. Sangoulé Lamizana a dû retirer son projet. Ce fut l'une des grandes batailles syndicale d'envergure de l'histoire du Burkina. C'est le souvenir de ces dates historiques que les syndicats ont commémoré. MNZ


01/02/2010
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