CUBA • Préparez-vous aux colères du ciel !

Comme chaque année, les prêtres ont annoncé leurs prédictions. Mais en 2008, signe des temps, l'oracle a été dévoilé au cours d'une conférence de presse et les catastrophes prévues sont écologiques, rapporte l'hebdomadaire mexicain Proceso.

Les babalaos, les prêtres de la santería [une religion syncrétique très pratiquée à Cuba, voir Repères] réunis en tenue blanche traditionnelle, ont présenté le 31 décembre dernier la Lettre de l'année, un édit par lequel ils rendent publiques leurs prédictions pour les douze prochains mois. Mais pour la première fois les membres de la Commission organisatrice de la Lettre de l'année, l'un des deux groupes du pays qui rendent les oracles, ont révélé leurs augures au cours d'une conférence de presse organisée à la maison de la culture de la Vieille Havane. "Cela signifie que nous avons enfin un espace", commente Lázaro Cuesta, membre de la Commission.
Selon les prédictions de l'Ifá (l'Etre suprême), 2008 sera donc gouverné par Oggún, dieu de la Guerre et du Fer, représenté par saint Pierre dans le panthéon chrétien. Oggún sera accompagné de Yemayá, divinité de l'Eau, mère de la religion yoruba et équivalent de la Vierge de Regla pour les chrétiens. Selon Victor Betancourt, l'un des prêtres de cette commission, des catastrophes climatiques se produiront en 2008 – il en a vu le signe annonciateur, Iwori Rete, et c'est la première fois qu'il le rencontre en vingt et un ans de pratique. Il affirme que "le défi à relever ne sera pas politique ou social, mais viendra de la nature". "Les problèmes politiques ont une solution, mais, lorsque le défi est posé par la nature, les choses sont un peu plus difficiles, poursuit-il. L'humanité n'a pas aujourd'hui la capacité ni les moyens d'affronter une catastrophe mondiale."
Les rituels pratiqués par les mille prêtres de la Commission laissent aussi prévoir des maladies cutanées et neurologiques, des dérèglements du système nerveux et une augmentation du nombre de vols avec violences. A en croire les babalaos, les moins de dix-huit ans auront des comportements inappropriés. L'émigration augmentera, ainsi que les déplacements à l'intérieur du pays. Il y aura des problèmes de logement et des usurpations de droits et de fonctions par la violence et la duperie.
Pour Lázaro Cuesta, la Lettre de l'année donne aussi place à des "espérances parce qu'il est possible de prendre des mesures pour éviter les désastres". D'après lui, la présence d'Oggún comme divinité régnante indique que la force de l'intelligence aidera à "vaincre les obstacles et les difficultés".
Le Conseil des prêtres majeurs de l'Ifá de l'Association culturelle yoruba de Cuba a quant à lui publié sa lettre de façon indépendante. Comme la Commission, il prévoit des "changements climatiques" et conseille de "prendre des mesures pour réduire les inondations et les dégâts provoqués par la montée de la mer et ses conséquences". Selon ce groupe, 2008 sera gouverné par le signe Igouri Ogbem, qui certes annonce des difficultés, mais pas "insurmontables".
Ce procédé divinatoire est utilisé depuis des milliers d'années par le peuple yoruba du Nigeria et a été importé en Amérique par les esclaves originaires de cette partie d'Afrique. Cuba est l'un des pays où la religion yoruba est le plus enracinée et où les anciennes traditions sont le mieux conservées.
Au début de l'année, une file de personnes attendaient à la porte de l'Association yoruba de Cuba dans l'espoir d'obtenir une copie de la Lettre de l'année. Car, que ce soit par foi ou par curiosité, de nombreux Cubains (et parmi eux autant d'hommes que de femmes) lisent et relisent la Lettre de l'année. L'intérêt pour les prédictions transcende les frontières entre les ethnies, les religions, les classes sociales et les niveaux d'éducation. "C'est un phénomène social et culturel", explique l'ethnologue cubaine Natalia Bolívar. "C'est quelque chose que nous avons dans le sang, qui nous appartient et que nous offrons au monde, un avertissement sur ce qui peut nous faire du mal."
Pour l'anthropologue et historienne María I. Faguaga, "la Lettre de l'année fait partie intégrante de la culture cubaine et montre le caractère pragmatique de tous ceux qui sont nés dans ce pays. La majorité de la population cubaine tient compte de ces prophéties."

Raquel Sierra
Proceso



30/01/2008
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