A l'insu de leur époux, Des femmes mariées se mettent sous contraception
"Plus
d'une vingtaine de femmes me confient leur fiche de consultation parce qu'elles
ne veulent pas que leur époux soit informé du fait qu'elles soient sous
contraception", révèle Odile Fandé, sage-femme à l'Association burkinabè
pour le bien-être familial (ABBEF) à Koupèla, ville située à
Sensibiliser
et éduquer les hommes
Si les femmes
vont en cachette pour bénéficier des méthodes d'espacement des grossesses,
c'est que pour elles, il est difficile, voir impossible, de convaincre leur
époux. "J'ai essayé d'en parler à mon mari. Mais il n'a voulu rien savoir.
Aussi moi et ma coépouse, nous avons décidé à son insu de nous mettre à la
contraception injectable ", affirme Asséta. A Koupéla, l'attitude
réfractaire des hommes face à la contraception, s'explique par le fait que
c'est une zone fortement catholique, selon Odile Fandé: "Les conjoints
s'opposent à la contraception estimant qu'elle favorise le vagabondage sexuel
de la femme. Pire, elle la rendrait stérile". Et Abdoulaye Bancé,
responsable du Centre d'écoute pour Jeunes de l'ABBEF de Koupéla, de renchérir
: "Les maris n'évoquent aucunement une raison médicale pour s'opposer à la
contraception. Leur seule volonté est d'avoir des enfants". Abdoulaye
Bancé soutient que c'est la peur de ne plus voir leurs épouses dépendantes qui
effrait les hommes et justifie leur refus de les voir sous contraception.
"J'explique leur refus par le fait que la contraception donne plus de
liberté et d'autonomie à la femme", affirme Abdoulaye Bancé. Chose que
confirme Asséta. Elle est vendeuse de céréales. Le planning lui donne plus de
possibilité d'évaluer sa situation financière par réalisation de plusieurs
activités génératrices de revenus et de planifier son avenir et celui de sa
famille. Si Asséta est l'une des rares femmes à se donner ce privilège, les
autres vivent le poids de la tradition dans une zone rurale en voie
d'urbanisation. A Koupéla donc, la valeur ou la grandeur d'un homme se mesure à
la taille de sa famille. Plus un chef de famille a d'enfants, plus il est
respecté. Les enfants sont synonymes de richesse. Ainsi Emile Zongo, vendeur de
titres de transport, pense que "Avoir de nombreux enfants est signe de la
virilité de l'homme et de la fécondité de la femme". Selon lui, le seul
être pouvant stopper cette fertilité est Dieu : "Elle doit continuer à
accoucher jusqu'à ce que cette action divine intervienne ".
Confrontées donc à cette exigence, certaines femmes se cachent pour adopter une
méthode contraceptive. Pour éviter cette situation et permettre que la décision
de planification soit conjointement prise, l'épouse et son partenaire, "il
ya lieu que des messages de sensibilisation soient spécifiquement adressés aux
hommes", suggère Bancé Abdoulaye. Ensemble, le couple peut déterminer la
contraception la mieux adaptée en s'informant sur les avantages et les
inconvénients de chaque méthode. Pour réaliser cet objectif, la collaboration
avec les communautés religieuses et traditionnelles peut aider à formuler les
décisions et à définir les attentes à propos des méthodes d'espacement des
naissances. Les prestataires peuvent mieux conseiller les femmes, mieux le
couple, s'ils comprennent les pratiques culturelles et les croyances
traditionnelles.
La maison de
la stérilité
Outre le
cache-cache pour accéder à la contraception, certaines femmes, pour ne pas être
vues par leur entourage, se rendent à "la maison qui ne veut pas que les
femmes accouchent", c'est le nom donné par les anti-planning familial au
Centre ABBEF, aux heures de descente. Pour pallier cette situation, l'ABBEF
Koupéla, créée en
Parfois, la catégorie de personnes fréquentant le Centre est à la recherche de
confidentialité ou de la préservation de l'intimité. Certains individus
parcourent plusieurs dizaines de kilomètres pour se rendre au seul Centre
ABBEF. C'est le cas de Mariam Dianou, 38 ans, mère de 5 enfants et de Binta Nangré,
44 ans également mère de 5 enfants, résidant toutes deux à
Eviter les
ruptures de stocks
"La
fréquentation du Centre reste faible ; en moyenne nous avons 15 consultations
par jour", note Patricia Zougmoré, fille de salle à l'ABBEF. Pour
dynamiser l'engouement pour la contraception, comme solution, l'ABBEF a adopté
la stratégie des paires éducateurs. Ainsi depuis 2006, 20 conseillers, issus
des dix villages que compte la province du Kouritenga dont Koupéla est la
capitale, dirigent les personnes vers l'ABBEF. Mais la distance entre les
villages et le Centre ABBEF ou les autres Centre de santé de soins primaires
prodiguant les méthodes de contraception découragent certains. Néanmoins,
malgré le faible nombre de fréquentation, l'ABBEF Koupéla a du mal à satisfaire
les demandes d'informations et de soins. Les causes : la défectuosité du matériel
de projections empêchant la diffusion des messages de sensibilisation. Le
personnel existant est restreint et submergé de travail. Par exemple, le
responsable du Centre est à la fois, le coordinateur, le comptable, l'animateur
terrain, etc. Une seule sage-femme est agent soignant et fait le counseilling.
Son absence, pour une quelconque raison, affecte les patientes. Ces dernières
sont obligées de rebrousser chemin. A cela s'ajoute la rupture de stock de
produits contraceptifs. Certaines femmes ne peuvent donc pas toujours se
procurer la contraception qu'elles préfèrent. L'épuisement des stocks ou les
difficultés d'approvisionnement empêchent les femmes d'utiliser sans
interruption leur méthode préférée, ce qui favorise l'abandon temporaire ou
définitive de la méthode.
La santé reproductive sous-entend la possibilité pour les femmes d'avoir un
enfant au moment choisi. Elle implique que femmes et hommes aient accès à
l'information sur toutes les méthodes de contraception et fassent leur choix en
connaissance de cause.
Pour l'heure, au Burkina Faso, la contraception est l'affaire des femmes. Les
hommes sont encore très peu impliqués dans le choix. Cette situation est à la
base du faible taux d'utilisation des méthodes contraceptives. Il est de 9,7%
pour les méthodes modernes. Pour toutes méthodes confondues (traditionnelles et
modernes), le taux est de 14%.
Ramata.sore@gmail.com