14 jours au CMA du 30

Avec les inondations du 1er septembre, le secteur de la santé a été le premier sinistré au Burkina Faso. Yalgado national, l'hôpital de référence dans le pays, a été le premier à être réduit. Le sinistre a touché et coulé le cœur du système sanitaire burkinabè dès les premiers moments, laissant le pays dans un désarroi complet. Le gouvernement a réagi comme il a pu en redéployant les services de santé dans les différentes formations sanitaires de la capitale. Le CMA du secteur 30 a été sans aucun doute, une des formations qui a subi lourdement cette conjoncture. Nous y avons passé deux semaines à la faveur d'une admission d'un proche en mi octobre. Quand nous sommes arrivés, les nombreuses tentes UNICEF dressées pour accueillir les flux des sinistrés malades étaient bondées. Notre malade a été admis en hospitalisation dans une de ces tentes, parce que les infrastructures ordinaires du CMA étaient débordées. Ce n'est pas de l'exiguïté des locaux que nous allons parler dans les lignes qui suivent, mais de l'esprit des soins en ces lieux. Et cette question cruciale : quelle différence y a-t-il entre l'hôpital public et l'hôpital privé ? Les deux semaines que nous avons passé au CMA du 30 avec notre malade nous inspire plutôt la réponse suivante : l'hôpital public, au Burkina Faso, c'est un service privé géré par un personnel de l'Etat. A l'arrivée, avant de franchir le seuil de l'hôpital, vous avez le service des parkings payants. C'est un poste de dépense obligatoire. Ensuite arrivent les urgences. Pour les premières prises en charge, le malade doit acheter les gants et le thermomètre. Puis s'ensuivent les premières ordonnances et les premiers examens. Il faut payer directement avant service. Ce qui décontenance tout de même, ce sont ces ordonnances qui précèdent les examens. On peut comprendre que l'on ordonne l'achat de quelques produits pour soulager le malade, juste le temps de diagnostiquer avec plus ou moins de précisions ce dont il souffre et de prescrire les soins appropriés. Mais non, la première ordonnance est constituée de nombreux produits dont une infime partie est utilisée. Lorsque les résultats de l'analyse arrivent, une nouvelle ordonnance vient balayer la première. Ces premiers produits sont perdus et encombrent les lits des malades.
Deuxième aspect, le protocole des soins. Dans un hôpital, qui prescrit ? Qui exécute les soins ? Selon la règle, le médecin prescrit et l'infirmier soigne. Voilà le constat que nous avons fait au CMA du 30 durant notre séjour. Il faut expliquer que notre malade est une PVVIH, qui a été diagnostiquée très tardivement et qui a été admise pour anémie sévère. Quand elle arrive au CMA, sa sérologie était connue et c'est une association qui l'a référée. En plus de l'anémie, elle avait une fièvre persistante. En attendant la transfusion, le médecin soigne le paludisme avec des ampoules de quinine 0,40 par le moyen de la perfusion. Pendant près d'une semaine, la fièvre persiste et le traitement à la quinine aussi. Le huitième jour, l'infirmier, peut-être par inadvertance, met deux ampoules de quinine 0,40, en même temps, dans la perfusion. Quelques minutes après, le cœur de la malade, déjà très affaiblie, se met à battre très fort. Nous sommes paniqués et il faut trouver au plus vite l'infirmier pour voir ce qui ne va pas. Il est introuvable pendant de longues minutes. Quand il arrive, lui-même est secoué par le spectacle. Il arrête la perfusion en catastrophe, mais refuse d'admettre qu'il a pu se tromper. De toute façon, comment le confondre, puisque les soins sont faits très souvent et ne sont inscrits nulle part. La feuille de soin n'est pas remplie. Au pied du lit, il y a juste la feuille des températures. Le soin à la quinine est abandonné. Le lendemain est jour férié. Notre malade a des effleurements blanchâtres sur la langue. Elle n'arrive pas à s'alimenter. Le même infirmier est informé et prescrit immédiatement une ordonnance de trois flacons d'antibiotique. Nous risquons une question au regard de l'ordonnance, puisque le malade est déjà sous antibiotique. Nous demandons s'il soupçonnait quelque chose de particulier pour prescrire un autre antibiotique ? Réponse : "Non c'est pas mon malade. C'est le médecin qui sait de quoi il souffre". Alors pourquoi cette prescription et pourquoi autant de boites ? Pas de réponse. Nous avons, au regard de l'expérience avec la quinine de la veille, refusé d'acheter ces nouveaux médicaments. Nous attendions le médecin traitant le lendemain pour lui en parler. Peine perdue. Au CMA, le médecin n'a pas le temps pour écouter. Plusieurs tentatives ont été vaines. Le médecin en visite des malades ne parle pas. Quand il a fini, il est trop fatigué.
Au CMA du 30, autrefois une de nos meilleures structures sanitaires, les conditions se sont détériorées. Les seuls lustres de l'hôpital, c'est le personnel médical ; blouse blanche immaculée et toilette impeccable dans un environnement glauque avec des regards qui crachent des nuées de mouches juste à la porte de la salle de garde. Environnement glauque et personnel inaccessible, le malade ne semble pas être la raison de l'existence des lieux. Contre l'indigence de l'hôpital, apparemment personne ne peut rien. Mais le personnel, peut-être plus humain, plus consciencieux. Pour cela a-t-on aussi besoin d'argent ? Notre avis est que nos hôpitaux publics souffrent davantage de la sécheresse de cœur du personnel médical que de l'indigence matérielle. Bien sûr, il y a des hommes et des femmes formidables dans le lot et il faut leur rendre hommage, mais globalement il y a matière à s'inquiéter. Quelques suggestions simples. En moyenne, l'hospitalisation dans nos hôpitaux publics coûte 15 000 F CFA par jour. Dans une clinique privée, comme celle du Dr Issa au secteur 29, l'hospitalisation coûte la moitié. Comment est-ce possible ? En attendant d'investiguer sur les solutions possibles, on pourrait par exemple demander que les dépôts des CMA reprennent le trop plein de médicaments non utilisés et remboursent les malades. De toute façon, il faut revenir sur la politique des ordonnances. L'hôpital public ne peut pas continuer comme il le fait actuellement. C'est lourd de danger pour l'avenir. NAB



28/11/2009
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