Vol de numéraire : Témoignage de Hamidou Ilboudo
"Nous avons été arrêtés dans la nuit du 29 novembre 1997 (Ilboudo Amidou, David Ouedraogo et deux autres) et conduits directement au Conseil. Chef Marcel Kafando a dit que c'est à cause du vol de l'argent du patron (François Compaoré) que nous nous trouvons au Conseil. Je lui ai fait comprendre que je ne suis pas impliqué dans une histoire de vol. Je n'en sais rien. Marcel Kafando répliqua en me disant que je ne dois pas dire que je n'ai pas volé l'argent et que ici je dois suivre ses ordres. Il nous a fait manœuvrer, torturer. Lorsqu'on nous ramena, je fis savoir de nouveau à Marcel que je n'ai pas pris de l'argent. Il a répété que je dois dire et faire ce qu'il veut. Car ici c'est lui qui commande. Ils m'ont amené, manœuvré toute la nuit et le lendemain ils m'ont demandé où se trouvait l'argent. J'ai répété mes propos précédents en réaffirmant que je n'ai rien pris. Ils m'ont reconduit en brousse pour me torturer. Lorsqu'ils m'ont ramené, j'ai été transféré dans une chambre dans laquelle ils m'ont sommé de boire du whisky. Mon refus a été catégorique car je ne bois pas. C'est ainsi que Marcel fit sortir son arme et tira un coup de feu et me dit que si je refuse de boire, il me fera tuer. Et pour me tuer, je ne serai pas fusillé directement. Il va me faire attacher et mon tueur commencera par attaquer mes pieds avec des marteaux jusqu'à ce que je meurs. J'étais dans l'obligation de boire le whisky. Il m'a sorti pour être manœuvré. Là je n'en pouvais plus. Dès qu'on m'a ramené, il m'a dit de faire ce que lui Marcel Kafando veut. Je devrais dire que j'ai pris l'argent et que je l'ai remis à David Ouédraogo. Je fus obligé de dire ce qu'il voulait. Ils ont amené David. Marcel lui a demandé où se trouvait l'argent. J'ai dit que nous n'avons pas pris de l'argent et pour savoir où se trouve la vérité, étant tous des Africains, des Burkinabè, nous pouvions invoquer nos ancêtres ou faire appel à la foudre pour la manifestation de la vérité. J'ai dit à Marcel Kafando que la manière dont je suis traité et dont je souffre que vais-je faire avec l'argent ? Il répondit que cela ne l'intéresse pas et il veut seulement qu'on suive ce qu'il veut. J'étais donc obligé de dire ce qu'il voulait entendre. On nous a conduits encore en brousse. David a été attaché entre deux arbres, suspendu sur du feu qui le brûlait. Nous nous avons été entourés par du feu qui nous brûlait dans le dos ; nous avons été préalablement déshabillés. Attendez, je vais me déshabiller, vous allez voir ce que mon dos est devenu (il présenta effectivement un dos "braisé" que les âmes sensibles n'ont pas pu regarder). C'est après nous avoir brûlés, qu'on nous ramena au Conseil. Je n'ai pas bonne souvenance, mais je crois que c'est une semaine après nos brûlures que l'on a commencé à nous soigner. On nous a conduit après à l'infirmerie de la présidence pour notre pansement. Et c'est là-bas que David succomba de ses brûlures le 18 janvier 1998. Ils sont venus après la mort de David nous menacer ; nous avons été auditionnés par des gendarmes. Il fallait toujours dire ce qu'ils veulent. Voilà pourquoi devant la Commission d'enquête Indépendante, j'étais obligé de dire ce qu'ils m'avaient dit de dire. Si je refusais de parler, selon Marcel, on va tuer ma femme et mes enfants ou un frère. En ce moment sincèrement, je me croyais mort et je ne savais pas que je serai encore en vie aujourd'hui. C'est ainsi que j'ai accepté dire ce qu'ils voulaient. Ils ont enregistré nos propos dans un premier temps, ils sont venus nous faire reprendre ce qu'on avait dit. Entre autres, il fallait dire que j'ai pris l'argent et je l'ai remis à David. Ils m'ont conduit par la suite au Conseil devant des gendarmes pour que je reprenne ce qu'ils m'ont dit d'avancer comme propos. C'est le 3 février 1998 qu'on est venu me prendre à l'infirmerie de la Présidence pour me conduire à la gendarmerie dans la soirée et me faire signer le Procès verbal. De là j'ai été transféré à la MACO, c'est-à-dire en prison. Auparavant, ils m'ont interdit de souffler mot à qui que ce soit de tout ce qui s'est passé au Conseil sinon je serai tué. J'étais toujours entre leurs mains. C'est grâce aux sages, au Collectif que le pouvoir m'a amené en France pour être soigné. Lorsque je suis revenu, le juge Armand Ouédraogo m'a dit qu'il est à la recherche de la vérité. Il m'a invité à dire la vérité. Marcel Kafando donnait des ordres et Yaro me torturait." Une retranscription de Richard Bationoin L'Indépendant N° 340 du 14 mars 2000)