Boulangeries 2000:280 employeurs après leurs droits
Le 11 novembre 2009, les ex-travailleurs des boulangeries 2000 ont animé une conférence de presse à la bourse du travail. Les délégués du personnel desdites boulangeries ont voulu rappeler à la presse et à travers elle, l'opinion, ce que les ex travailleurs vivent depuis la fermeture de la SARL boulangerie 2000 depuis bientôt trois ans. L'affaire judiciaire qui est née du contentieux entre les travailleurs et leur patron n'a pas connu d'avancée aux yeux des demandeurs qui se disent victimes d'un patron qui défierait la Justice. Alors que le patron même s'est réservé de tout propos sur l'affaire, son avocat assure de leur bonne foi et de leur disponibilité pour les besoins de la Justice. Le dossier a déjà connu six renvois devant le tribunal et l'approche de l'audience du 27 novembre donne droit à des supputations.
L'affaire qui oppose le sieur Elie Riskala patron des boulangeries 2000, et ses ex-employés, est bien connue au Tribunal du Travail de Ouagadougou. 20 février, 18 mars, 23 avril, 11 juin, 21 juillet et on en oublie. Le jugement de cette affaire a connu en tout, au moins six renvois devant le tribunal du travail. Le récit du dossier de justice dit de l'"affaire des boulangeries 2000" est une chanson bien connue des ex-travailleurs qui l'entonnent mot pour mot à chacune de leurs conférences de presse, combien nombreuses, qu'ils tiennent presque régulièrement à l'approche de chaque audience. En résumé, les boulangeries 2000 sont une SARL constituée de 7 boulangeries où travaillaient plus de 280 employés. Les boulangeries fonctionnaient "normalement" jusqu'en 2007 lorsque le patron, Elie Rikala a décidé de renouveler ses fours en procédant à une commande de cinq fours d'un montant total d'environ cent cinquante millions (150 000 000) de franc CFA. Cela s'est passé à un moment où l'entreprise se portait pourtant bien et mieux, pensent les travailleurs, "la décision unilatérale de renouveler les fours" était incomprise d'autant plus que les anciens fours étaient toujours en bon état jugent-ils. Les fours furent acquis auprès de Santomena Gaettan, représentant de la société IDFC Africa. Un contentieux est né du non règlement de la facture de ces fours conformément à l'échéancier établi avec le fournisseur. Suite à une plainte déposée par le vendeur des fours, Riskala a été interpellé par la gendarmerie de recherche de Ouagadougou puis a passé un séjour à la Maison d'arrêt et de correction (MACO). Nous sommes en janvier 2008. Quatre des sept boulangeries qui utilisaient les fours acquis auprès de IDFC Africa ont arrêté de fonctionner et les fours ont été mis sous scellés. Les travailleurs racontent qu'ils se sont réorganisés pour travailler avec les trois boulangeries restantes jusqu'à la libération de leur patron en mi février, soit environ un mois de détention. La suite du récit plus que ce qui précède est différemment relatée par les deux parties. La sortie de Riskala marque le début du litige.
De l'inspection du travail au tribunal du travail Me farama, avocat des travailleurs
Le premier recours des travailleurs a été l'inspection du travail. Lorsque Riskala est sorti de la prison, son intention a été de mettre les travailleurs des quatre boulangeries non fonctionnelles en chômage technique. Ils auraient eu la promesse de bénéficier d'une rémunération en demi salaire, le temps que tout rentre dans l'ordre pour une reprise des activités. La proposition a été rejetée par l'ensemble des travailleurs et ce sont ceux qui devraient aller en chômage technique qui auraient contraint leurs camardes des trois boulangeries fonctionnelles à arrêter eux aussi le travail par solidarité de corps, selon l'avis de Me Traoré Kirsi, avocat de Riskala. Les travailleurs estiment que leur patron pouvait relancer les quatre boulangeries avec les anciens fours toujours en bon état mais seulement mis de côté lorsqu'il avait reçu les nouveaux fours. Riskala a décidé sur le coup de suspendre les contrats de tous les travailleurs. Me Traoré explique qu'à l'époque des faits, le code du travail autorisait son client à suspendre les contrats pour une durée de six mois renouvelable une fois. Le nouveau code a réduit la durée de la suspension à cinq mois renouvelable une fois. C'est en juin, pendant la suspension du contrat intervenue en mars 2008 que les travailleurs ont amené le différend à l'inspection du travail. L'inspection engage avec les deux parties des discussions en vue d'une conciliation mais avec peu de succès. Entre temps, le patron était absent des discussions, il se serait rendu dans son pays au Liban pour assister sa femme malade. Son avocat le remplaçait à l'inspection mais il ne pouvait prendre aucun engagement financier dit-il. L'inspection demandait le paiement des droits des travailleurs qui s'élevaient à plus de 130 millions selon leurs estimations. Le patron avait fait savoir qu'il ne pourrait payer une telle somme aussi tôt et un procès verbal de non conciliation a été rédigé et remis aux parties. De l'inspection du travail, le dossier est passé par le Conseil d'Arbitrage où il y a eu des audiences convoquées et renvoyées avant que le Conseil ne se déclare incompétent et envoie les parties au Tribunal du travail.
Pourquoi autant de renvois ?
Le 27 novembre prochain les deux parties seront appelées à comparaître devant le Tribunal du travail. Pour cette énième convocation, les protagonistes affirment la volonté de répondre présents. Le dossier a connu déjà plus de six renvois devant le même tribunal. Selon les travailleurs tous ces renvois sont à mettre au compte de la partie adverse et particulièrement d'Elie Riskala qui a toujours refusé de comparaître. A leurs yeux, ce ne serait qu'un défi à la Justice pour leur patron de boycotter sans cesse les audiences. Ce n'est pas le cas soutient l'avocat de Riskala. Selon Me Traoré, son client n'est pas tenu d'être présent à l'audience à partir du moment où il est représenté par un avocat. Toujours à la décharge de Riskala, Me Farama Prospère, l'avocat des travailleurs, reconnaît que Riskala n'a pas toujours été régulièrement convoqué. C'est à la quatrième audience que pour la première fois Me Traoré a été au procès. Quant aux audiences qui ont précédé, il dit n'avoir jamais été informé alors que les travailleurs connaissent son cabinet et son domicile. Malgré les multiples renvois et l'impatience de ses clients, Me Farama estime qu'il est important que le procès soit rendu contradictoirement c'est-à-dire en présence des deux parties. Le dossier n'aurait pas avancé non plus si le procès avait eu lieu en l'absence de la partie défenderesse parce qu'elle aurait le droit de faire opposition à la décision quand elle allait lui être communiquée, confie l'avocat des travailleurs qui ajoute qu'une telle opposition renverrait le dossier à la case départ pratiquement. A l'audience du 11 juin (la 4ème audience), le dossier a été renvoyé à la demande de Me Traoré qui argue qu'il n'avait pas reçu les conclusions de son confrère Me Farama. Ces conclusions lui ont été transmises le 06 novembre. C'est un acquis en faveur de la tenue de la prochaine audience. C'est dire que l'audience du 27 novembre ne va probablement pas solder le contentieux mais avec la volonté, elle pourra marquer un autre départ important vers le bout du tunnel.
Les fusils de Mme Riskala
C'est une autre affaire. Selon les travailleurs, leurs camarades ont été menacés avec des armes à feu par Mme Riskala alors qu'ils venaient remettre une convocation à son mari, leur patron. L'affaire s'est passée au domicile du couple le 30 septembre. Les travailleurs se sont présentés au domicile de leur patron alors que ce dernier était absent. Selon Me Traoré, lui et son client étaient au palais ce jour là. C'est l'épouse de Riskala qui a téléphoné à son mari pour lui dire que les travailleurs (une quarantaine selon la femme et 17 selon les travailleurs) sont venus à la maison pour forcer l'entrée. Selon l'avocat qui a parlé à la femme au téléphone, il lui aurait conseillé d'appeler la gendarmerie de Ouaga 2000 pour faire le constat. Effectivement, quelques temps après, une patrouille de la gendarmerie a été aperçue dans les alentours du domicile. Selon les travailleurs, ce sont eux-mêmes qui auraient intercepté les pandores, pensant qu'ils y passaient par hasard. Ils ont invité la gendarmerie à constater qu'une femme armée d'un fusil de chasse et d'un pistolet leur en voulait. Malheureusement pour eux, ce sont eux-mêmes qui ont été embarqués et deux des leurs ont passé la journée en garde à vue. Les travailleurs témoignent qu'ils avaient été courtois avec leur hôte qui leur refusait de rester à côté de sa cour pour attendre leur patron. De cet incident, il a résulté deux plaintes. Mme poursuit les travailleurs pour violation de domicile et les derniers poursuivent l'épouse de leur patron pour menace armée. B.O.
Et si Riskala avait violé les scellés ?
Riskala serait entrain de nettoyer ses boulangeries. Cette information qui a été donnée par les travailleurs a été confirmée par l'avocat du patron. Cependant les deux parties n'ont pas la même interprétation de ce geste. Selon les travailleurs Riskala ne devrait pas avoir accès au matériel sous scellés de peur qu'il les enlève. Mais pour l'avocat de Riskala ce n'est pas du tout cela, son client nettoie ses boulangeries dans l'espoir de pouvoir reprendre son activité une fois que l'affaire judiciaire sera close. Il ajoute que les scellés concernent les fours litigieux qui, sous réserve d'une décision de justice, ne peuvent être utilisés ni par le fournisseur ni par l'acquéreur. En attendant tout dénouement, une quarantaine des ex-travailleurs des boulangeries 2000 sont employés dans les "boulangeries aux fours mixtes". Ce sont deux nouvelles boulangeries qui ont été ouvertes par Santomena Gaettan, l'Italien qui avait vendu les cinq fours à Riskala. B.O.