Tandja menace de quitter la CEDEAO

 Le président nigérien, Mamadou Tandja dont la légitimité est aujourd'hui posée, menacerait de quitter la CEDEAO, parce que c'est une institution qui s'oppose aux tripatouillages constitutionnels. Le vieux président aux abois accepte cependant, que le médiateur de la CEDEAO, conduise la médiation avec son opposition sur le sol nigérien.

A quelques heures de la fin de son mandat normal, le président nigérien accepte ouvrir des négociations avec son opposition sous l'égide du médiateur de la CEDEAO, le Nigérian Abdoul Salami Aboubacar, ancien président du Nigeria. Ces discussions s'ouvrent dans un contexte de pressions considérables sur le régime de Tandja. Au niveau international, il est cerné de toutes parts et les principaux partenaires du pays l'ont progressivement abandonnés. L'Union européenne lui a coupé les vivres et le président Obama lui-même a écrit à Tandja, pour l'exhorter, courtoisement, mais fermement, à rétablir les institutions démocratiques qu'il a dissoutes courant juillet 2009. Au plan interne, il n'est pas sûr de son armée. Courant novembre, des tracts circulant à l'intérieur des casernes lui rappelaient que son mandat prenait fin le 22 décembre et qu'au-delà de cette date, il n'était plus un président légitime. Clairement donc, si un coup d'Etat était perpétré contre lui après le 22 décembre, ce ne serait pas un coup d'Etat illégal. Ainsi pris en tenaille, le président Tandja a perdu de sa superbe et il est obligé de faire suspendre les poursuites judiciaires contre ses irréductibles opposants qu'il croyait ainsi tenir en laisse.
Les négociations peuvent donc commencer entre la délégation de Tandja et celle de ses opposants sous la médiation de Abdoul Salami, sur un ordre du jour éclectique. Pour la délégation du président Tandja, la nouvelle constitution n'est pas négociable, mais elle semble s'être gardée de l'exprimer à la cérémonie officielle de lancement des négociations. A l'opposé, la délégation de l'opposition est claire sur ses prétentions. Il faut tout négocier et surtout revenir à l'ancienne constitution qui est la seule légitime à leurs yeux. Elle peut s'appuyer sur les revendications de la CEDEAO, qui n'a pas reconnu les résultats du référendum du 4 août 2009 et n'a pas non plus reconnu les députés nouvellement élus sous l'empire de la nouvelle constitution. La CEDEAO a été lente au démarrage, pour prendre les sanctions contre le Niger, mais elle semble avoir été suffisamment énergique, quand elle s'est décidée, pour laisser des doutes dans ses intentions. L'organisation sous régionale a été suivie immédiatement par l'Union Africaine, l'Union Européenne et l'ONU. L'organisation de la Francophonie est pour l'instant la seule qui a donné un sursis de 60 jours au Niger, avant d'envisager son exclusion. Un sursis que le Niger doit au Burkina Faso, dont l'ambassadeur à Paris, Luc Adolphe Tiao, s'est démené comme un beau diable, pour convaincre des Canadiens déterminés.
La CEDEAO a suspendu le Niger de toutes ses instances et n'a pas reconnu les nouveaux députés. Pour Tandja, c'est l'institution qui reste à dissoudre. Et comme vraisemblablement, ce n'est pas une entreprise facile, il menace de retirer le Niger de la CEDEAO tout simplement. Dans un discours prononcé à la veille des pourparlers, Tandja s'en prend violemment à la CEDEAO qui est accusée de n'avoir pas construit un seul kilomètre de goudron depuis son existence.
Tandja, l'homme des nombreux chantiers à achever, ne peut pas comprendre qu'une institution comme la CEDEAO n'ait pas de chantiers à achever. Même si en l'occurrence, c'est un des chantiers pour la démocratie conduit actuellement par la CEDEAO qui lui vaut justement ses déboires actuels. Un chantier pour le lancement duquel, le Niger a beaucoup contribué, quand le même Tandja présidait la CEDEAO. Mais comme dit le dicton africain, "celui qui circoncit les autres prend bien soin de cacher ses bijoux de famille".

Que valent les menaces de Tandja ?

Le Niger peut-il s'offrir le luxe de quitter la CEDEAO ? C'est impossible à imaginer vu sa très forte dépendance vis-à-vis de son puissant voisin, le Nigeria. Il y a quelques mois, une rumeur, dont on ne sait toujours pas la provenance, a créé la panique à Niamey. Les camions de ravitaillement du Niger en vivres et en provenance du Nigeria auraient été bloqués à la frontière. A Niamey, on a vite dit qu'il s'agissait d'un blocus décrété par le Nigeria, pour punir le Niger des reformes politiques unilatérales de Tandja. En très peu de temps, la psychose s'est installée et il a fallu improviser une conférence de presse conjointe avec l'ambassadeur du Nigeria à Niamey, pour rassurer les Nigériens. Qu'en sera-t-il si le Niger devait se retirer de la CEDEAO ? On imagine sans grande peine les difficultés des Nigériens qui ne pourront plus sortir de chez eux sans visa. Un pays sans littoral maritime qui ne bénéficierait plus des facilités de circulation dans l'espace CEDEAO.
On peut croire donc qu'il s'agit d'un coup de sang d'un président vraiment en très grande difficulté. Parce que même pour continuer les nombreux chantiers qui ont justifié qu'il tripatouille la constitution de son pays, il n'aurait plus de l'argent. L'uranium a vu son cours baisser sur le marché international et les Chinois, même très généreux, ne sont pas à même de combler les besoins immenses d'un pays classé comme le plus arriéré, économiquement, de la CEDEAO. Tandja est obligé de se raviser et d'admettre que les bravades ont des limites objectives. Pour tenir tête à la communauté internationale, il faut avoir les reins particulièrement solides. Or ceux du Niger sont très fragiles. Même son voisin libyen Kadhafi, qui croule sous les pétrodollars, a été obligé de plier l'échine.
Tandja peut donc pester contre la CEDEAO, l'institution par laquelle ses malheurs ont commencé. Mais il sait que sa marge de manœuvre est nulle. S'il devait s'entêter, ce sont les Nigériens, surtout ses partisans du "tazartché" (la continuité) eux-mêmes qui vont le bouter dehors. L'embarras de ses partisans à l'ouverture des négociations l'atteste bien. NAB



06/01/2010
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