Rebondissement dans l'affaire du trafic d'organes présumé

La justice serbe a présenté "de nouvelles preuves" à la procureure albanaise Ina Rama d'un trafic d'organes présumé. Ces organes auraient été prélevés sur des prisonniers conduits du Kosovo en Albanie en 1999. De Belgrade à Pristina en passant par Tirana, l'affaire n'en finit pas de faire des vagues.

 

Le livre de Carla Del Ponte, procureure du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY), La chasse, moi et les criminels de guerre (La Caccia), révélait que l'Armée de Libération du Kosovo (UCK) s'était livrée pendant la guerre de 1999 à un trafic d'organes de prisonniers serbes, prélevés dans le nord de l'Albanie et expédiés à l'étranger. L'ex-procureure, qui avoue ne pas avoir pu obtenir la preuve de ses allégations, mettait néanmoins en cause de hauts dirigeants de l'UCK, notamment l'actuel Premier ministre Hashim Thaçi, qui a vigoureusement démenti ces accusations.

L'affaire s'était quelque peu fait oublier, jusqu'à la visite à Tirana, le 27 octobre, du procureur serbe pour les crimes de guerre Vladimir Vukcevic, où il a rencontré de hauts responsables de la justice albanaise. "Nous avons apporté de nombreuses nouvelles informations et preuves", a expliqué le magistrat serbe, qui a qualifié cette rencontre sans précédent de "succès", même si les deux parties ont eu des "évaluations opposées" des faits en cause dans ce dossier. Il n'en fallait pas plus pour qu'Express, le principal quotidien de Pristina, ne dénonce ce début de coopération serbo-albanaise qui, vu du Kosovo, ne peut que faire le jeu de Belgrade. Depuis le 17 février 2008, cette ancienne province serbe majoritairement albanophone s'est déclarée indépendante de la Serbie, une indépendance reconnue par la plupart des pays occidentaux mais pas par les puissances émergentes, telles la Chine, l'Inde ou la Russie. "En aidant la Serbie, l'Albanie alimente la propagande qui clame que l'UCK aurait perpétré des crimes contre les Serbes du Kosovo", explique le rédacteur en chef d'Express, Berat Buzhala, cité par le quotidien albanais Koha Jone.

La polémique a en effet rapidement gagné les médias albanais, qui n'avaient au départ pas accordé beaucoup d'importance à cette rencontre. "Le livre de Carla Del Ponte amène le procureur Vladimir Vukcevic à Tirana", écrit le journal Metropol, en soulignant que la procureure générale albanaise, Ina Rama, a reçu officiellement son homologue serbe qui demandait à inspecter toute la zone de Mati (dans le nord du pays, où aurait eu lieu le trafic d'organes). C'est l'ambassade américaine à Tirana qui a servi de médiateur à la rencontre serbo-albanaise, rappelle Metropol. Koha Jone explique pour sa part que la procureure albanaise a rejeté la demande serbe d'ouvrir une enquête en arguant de l'absence de nouvelles preuves depuis l'enquête effectuée en 2004 par les autorités locales et des experts du TPIY. Le parquet albanais s'est déclaré en revanche "prêt à coopérer" avec le TPIY si le tribunal voulait rouvrir des enquêtes en Albanie.

Le principal quotidien serbe Politika relate lui aussi ce refus, mais en fournissant la longue liste d'éléments nouveaux, tous accusant la partie albanaise, apportés à Tirana par les magistrats serbes. "D'après nous, il existe suffisamment de preuves pour ouvrir une enquête en Albanie. Il s'agit de faits encourant la qualification de crimes de guerre, et qui impliquent peut-être le crime organisé", a indiqué Bruno Vekaric, porte-parole du procureur serbe chargé des crimes de guerre. Après le refus de Tirana, les autorités de Belgrade comptent désormais saisir l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe pour faire toute la lumière sur cette affaire, poursuit Politika.

A.L. (avec Mandi Gueguen)



08/11/2008
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