Que faisons-nous pour nos orphelins ?

 Au-delà du scandale et de son exploitation politique, remarque Le Pays, l’affaire de l’Arche de Zoé pose la question de la réglementation de l’adoption dans les sociétés africaines.

Des zones d’ombre entourentencorel’affaire “Arche de Zoé”, mais il semble loin le temps où Idriss Itno Déby accusait l’association française de faits aussi graves que le trafic d’organes et la pédophilie. Du côté des autorités françaises, les déclarations épidermiques faites – jusqu’au sommet de l’Etat – aux premières heures de la crise se font tout aussi conciliatrices. Nicolas Sarkozy, qui semblait lâcher ses compatriotes, a mis, lui aussi, de l’eau dans son vin. Tout compte fait, le climat est propice à des actions plus sérieuses, comme les médiations diplomatiques et les enquêtes judiciaires. C’est aussi le bon moment pour une introspection sur la réelle capacité de la société africaine contemporaine à gérer la question des orphelins.
L’un des débats de ces derniers jours portait sur l’organisation sociale en Afrique, qui fait de l’orphelin l’enfant de tous : ce qui suppose des parents de substitution donnant le gîte, le couvert, l’éducation et l’affection dont l’enfant a besoin. La description est trop idyllique pour épouser la réalité. Les sociétés africaines, même rurales, déstructurées par les fléaux divers, n’ont plus d’égards pour les orphelins. Tout comme en Europe, la solidarité s’organise non plus au sein des familles, mais à travers des associations. Les orphelinats fleurissent partout dans les villes, surtout depuis l’explosion du sida, qui a accentué la défaillance des familles. C’est une triste réalité. Mais l’honnêteté recommande que les Africains reconnaissent que, de plus en plus, la perte des valeurs de solidarité fragilise le tissu social et met en péril l’avenir des enfants vulnérables. La pauvreté a jeté également dans les rues des enfants dont certains ne sont même pas orphelins.
Dans
lecastchadien,il ­semblerait que les enfants aient des parents. Si cela se confirmait, ­il y a lieu de savoir si ces derniers ont été emmenés avec le consentement de leurs parents ou s’ils ont été volés avec la complicité de mafieux locaux. Partout en Afrique, l’adoption est une pratique courante. Les structures de parrainage, d’hébergement et d’adoption pullulent. Le problème dans l’affaire Arche de Zoé tient surtout au caractère clandestin de l’opération et au nombre élevé des enfants concernés.
Se pose dès lors la question de la réglementation en matière d’adoption. Les pays africains sont-ils suffisamment armés pour suivre ce processus jusque dans le pays d’accueil ? Les Etats doivent s’assurer que ces enfants auront une vie heureuse loin de leur terre natale. Manifestement, ces précautions et ces mesures de vigilance ne sont pas toujours de mise. Or, au regard du vieillissement de la population occidentale et de bien d’autres facteurs, le phénomène de l’adoption est appelé à connaître un essor fulgurant. Il est donc nécessaire que les Etats africains se dotent d’instruments juridiques pour éviter, à l’avenir, des opérations ­illicites du style Arche de Zoé.
Pour l’heure, la justice tchadienne doit démêler l’écheveau de cette intrigante affaire. Une tâche on ne peut plus immense : identifier les enfants, retrouver leurs proches et comprendre les circonstances de leur “enlèvement”. Il est cependant à craindre que dans ce climat lourd, ­certains parents ne refusent d’avouer, le cas échéant, qu’ils ont remis volontairement leurs enfants à l’association française. L’enquête, qui s’annonce délicate, pourrait souffrir de la passion qui entoure l’affaire et des tentatives de récupération politique. En tout état de cause, la vérité doit éclater. Peu importe la juridiction (tchadienne, française ou internationale) en charge du dossier. Au-delà de l’Arche de Zoé, le destin pathétique des enfants tchadiens mérite une plus grande attention de la part, d’abord, des dirigeants tchadiens.


Le Pays



06/02/2008
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