Obama et McCain prêts à l’affrontement

Même si le premier n’est pas encore officiellement désigné comme le candidat démocrate, les deux hommes peaufinent leurs stratégies respectives pour mettre à mal l’adversaire. D ’ores et déjà, les sénateurs John McCain et Barack Obama élaborent des stratégies pour s’affronter. Ils ont en ligne de mire les mêmes électeurs, en particulier les indépendants et les Latinos, et ils vont porter l’essentiel de leurs efforts sur une dizaine d’Etats où ils estiment que l’élection se jouera au mois de novembre.
La campagne d’automne promet d’être extrêmement inhabituelle. Le 10 mai, les deux camps ont annoncé qu’ils étaient prêts à organiser conjointement des forums et des débats sans modérateur dès cet été dans tout le pays face aux électeurs. Obama, en campagne dans l’Oregon, a déclaré que cette proposition, initialement lancée par les conseillers du candidat républicain, était “une excellente idée”.
Alors même qu’Obama n’a pas encore remporté l’investiture démocrate, les deux hommes commencent à former des équipes sur le terrain, à concevoir des publicités négatives et à s’affronter sérieusement sur les grands enjeux, et même sur des questions plus explosives comme l’âge ou le patriotisme.
L’équipe d’Obama tente de pousser de nouveaux électeurs à s’inscrire sur les listes et envoie ses troupes dans l’Ohio et en Pennsylvanie – des Etats où le candidat a perdu les primaires, mais où ses conseillers estiment qu’il doit l’emporter en novembre pour conquérir la Maison-Blanche. De leur côté, les conseillers de McCain disent avoir suivi de près les difficultés d’Obama avec l’électorat ouvrier de ces mêmes Etats et comptent y ouvrir des QG de campagne dès le début du mois de juin.
Si McCain et Obama ont décidé de préparer l’offensive de l’automne, c’est qu’ils sont l’un comme l’autre convaincus que Hillary Clinton ne devrait guère tarder à déclarer forfait.
McCain veut d’abord s’attaquer aux Etats où le président Bush a été vaincu de peu en 2004 et où Obama a perdu les primaires, à commencer par le New Hampshire et la Pennsylvanie. Quant à Obama, il va tenter de s’imposer dans les Etats dont il a gagné les caucus et les primaires – en particulier ceux qui, comme la Virginie, sont traditionnellement des bastions républicains –, ainsi que dans d’autres Etats où ses équipes sont bien implantées.
En outre, les deux camps ont produit des publicités télévisées qui seront diffusées dès que le candidat démocrate aura été désigné. Le Comité national républicain prévoit une campagne de publicité de 19,5 millions de dollars pour présenter Obama, 46 ans, comme un candidat coupé du pays réel et trop inexpérimenté pour devenir commandant en chef.
“En 1984, Ronald Reagan avait dit : ‘Je ne vais pas exploiter à des fins politiques la jeunesse et l’inexpérience de mon adversaire’” [Walter Mondale, qui avait quand même 56 ans à l’époque – mais Reagan en avait 73], rappelle Frank Donatelli, vice-président du Comité national républicain. “Eh bien, nous, nous allons exploiter la jeunesse et l’inexpérience d’Obama.”
Du côté démocrate, les conseillers d’Obama mettent la touche finale à des spots visant à faire ressortir la continuité entre McCain et Bush et à écorner l’image de franc-tireur du candidat républicain, encore très ancrée parmi les électeurs. “D’ici à novembre, chaque électeur saura que McCain propose un troisième mandat Bush”, assure le directeur de campagne d’Obama, David Plouffe.
Les conseillers d’Obama soulignent en effet que, malgré sa longue carrière politique, McCain est encore relativement méconnu d’une bonne partie de l’électorat. En particulier, ils ne manqueront pas de rappeler les positions antiavortement de McCain, afin d’endiguer le flot d’électrices qui ont voté pour Hillary lors des primaires et que l’équipe de McCain a l’intention de courtiser agressivement. Les conseillers d’Obama ont certes conscience que leur candidat n’a pas encore remporté l’investiture et qu’il reste encore plusieurs primaires. Toutefois, ils estiment qu’il faut impérativement passer à l’offensive contre McCain et cela le plus tôt possible.

Les hispaniques pourraient jouer un rôle déterminant

Historiquement, les électeurs indépendants ont toujours été sensibles à des problèmes spécifiques. Ils sont en particulier attachés aux réformes de l’appareil d’Etat et refusent les querelles partisanes trop âpres. Aussi les conseillers de McCain veulent-ils faire paraître leur candidat comme un sénateur volontiers ouvert à l’autre camp, tandis qu’ils présenteront Obama comme un démocrate dans la droite ligne de son parti, idéologiquement coupé d’une bonne partie du pays.
“Nous estimons que les Etats-Unis sont encore un pays légèrement de centre droit, et c’est la position de notre candidat”, commente Charlie Black, l’un des principaux conseillers de McCain. “En revanche, la base électorale et le parcours d’Obama le classent dans la gauche la plus classique qui soit.”
Quant aux conseillers d’Obama, ils ont l’intention de présenter McCain comme un pur produit de Washington, qui s’est rapproché du gouvernement Bush pour obtenir l’investiture républicaine.
Amériques Par ailleurs, les électeurs hispaniques pourraient devenir plus attrayants qu’ils ne l’ont jamais été aux yeux des deux candidats. Leurs votes pourraient se révéler déterminants pour que les démocrates l’emportent dans des Etats comme le Colorado, le Nevada ou le Nouveau-Mexique. Quant aux républicains, ils n’ont guère de chances de s’imposer en Californie sans l’appui des Latinos.
Au sénat, John McCain a soutenu un projet de loi qui aurait permis à certains immigrés clandestins d’acquérir la nationalité américaine – une position qu’il a cessé de défendre lors des primaires républicaines, sans pour autant y renoncer complètement. Cela lui donne un argument pour séduire les Latinos qui, exception faite des Cubains de Floride, se sont majoritairement rangés dans le camp démocrate ces dernières années.
Obama a lui aussi défendu en tant que sénateur des mesures permettant aux immigrés d’être naturalisés, mais il a eu du mal à rallier l’électorat latino pendant les primaires, ce qui n’augure rien de bon pour la campagne d’automne. Mais les conseillers d’Obama affirment que le soutien du gouverneur du Nouveau-Mexique – et ex-candidat à l’investiture démocrate –, Bill Richardson, l’une des personnalités hispaniques les plus en vue du pays, pourrait être décisif lors de l’élection du mois de novembre.
Pour les deux camps, les Etats clés du mois de novembre seront le Colorado, la Floride, l’Iowa, le Michigan, le Minnesota, le New Hampshire, le Nevada, l’Ohio, l’Oregon, la Pennsylvanie, la Virginie, l’Etat de Washington et le Wisconsin.
Les républicains espèrent s’imposer dans le New Jersey, et peut-être aussi en Californie. De leur côté, les démocrates affirment que l’électorat noir pourrait mettre Obama en position favorable en Géorgie, en Caroline du Nord et du Sud. Les conseillers d’Obama estiment enfin que leur candidat a de fortes chances de l’emporter dans le Colorado, dans l’Iowa, au Nevada, au Nouveau-Mexique, dans l’Ohio et en Virginie.
Face à John McCain, Barack Obama détient un net avantage financier. Au 31 mars, McCain avait collecté environ 80 millions de dollars et annoncé qu’il disposait d’environ 11 millions de dollars de trésorerie. Obama en a levé trois fois plus – environ 240 millions de dollars – et sa trésorerie représente plus de quatre fois celle de McCain. Il convient tout de même de noter que le Comité national républicain, qui est autorisé à dépenser de l’argent pour la campagne de McCain, a réuni 31 millions de dollars, alors que le Comité national démocrate n’en a pour l’instant levé que 6 millions. Adam Nagourney & Jeff Zeleny

The New York Times


24/05/2008
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