L'étincelante Abuja ravit la vedette à l'insalubre Lagos

Lagos et Abuja sont les deux villes les plus célèbres du Nigéria. L'une a été la capitale fédérale, l'autre vient de l'être. La première insalubre et surpeuplée est le royaume du désordre et de l'insécurité. La seconde, nouvelle, conduit fièrement le visiteur sur ses larges avenues propres. Ses bâtisses neuves et modernes se dressent dignement.

Ce vendredi 27 juin 2008, il est 19h. Abuja bercée par un doux souffle beigne dans une légère pénombre. De fines gouttes de pluies jaillissent du tamis du ciel. Les rues, sans ordures, sont larges et accueillantes. La circulation est fluide. Aux feux tricolores, un compteur à l'angle, indique aux conducteurs le nombre de secondes qu'ils lui restent avant de traverser la voie.
La nuit tombée, les lampadaires solaires éclairent certaines grandes rues. La rue Thomas Sankara, droite et fleurie, est contigüe à celle de Kwamé Nkrumah. A quelques kilomètres, une autre porte le nom de Ouagadougou. Presque tous les grands hommes politiques africains ont une rue qui porte leur nom. Il en est de même des capitales de plusieurs pays d'Afrique. Autour de ces avenues, des immeubles montrent fièrement leurs habits neufs. Des duplex luxueux laissent voir la richesse de leurs propriétaires. A Abuja, presque toutes les ambassades du monde y sont présentes. Certaines ont quitté Lagos pour s'implanter dans cette ville. Abuja est certes, un vaste chantier, mais on y trouve de belles architectures telles la mosquée et l'église nationales. Ces deux structures sont les symboles des deux religions dominantes du pays. La ville d'Abuja compte environ 1 million d'habitants, affirme Martin Oloja Ajagba, journaliste à The Guardian . Cette ville a été créée dans les années 1980 après la décision du gouvernement fédéral de transférer la capitale de Lagos (dans le Sud) vers le Centre du pays en 1976. Finalement, c'est en 1991, que ce transfert s'est fait. Si la capitale fédérale est Abuja, Lagos, elle, reste le principal centre commercial. Cette ancienne capitale se trouve à 500km de la nouvelle.

Des voies perlées de trous

En ce mercredi 25 juin 2008, il est 6h du matin. Lagos est humide et boueuse. Des cordes d'eau tombent toujours du ciel. Les rues sont grouillantes de monde. Les brouhahas des marchands, piétons, taxis et autres acheteurs emplissent l'atmosphère. Leur fumée rend l'air suffocant. En file indienne, les minibus de couleur jaune, appelés Danso, cahotent sur les voies perlées d'énormes trous. L'un d'eux slalome pour éviter un gros nid de poules. Les conducteurs, coincés dans un embouteillage, klaxonnent à l'infini. Ils crient, injurient puis se fraient un chemin. Dans leur accélération, ils éclaboussent certains passants d'eau noirâtre. Un chauffeur est arrêté par trois policières. Elles se postent en face de lui, qui, roulant à vive allure, est forcé de ralentir. Le conducteur essaie de plaisanter avec elles en imitant le salut militaire suivi d'un "I beg" appuyé. Malgré cela, les trois mousquetaires l'obligent à garer. Spontanément, tous les passagers descendent sans être arrivés à bon port. Leur argent ne leur sera pas remboursé. Certains empruntent d'autres Danso.
Sur les terres pleines situées au milieu de la chaussée, des immondices. Une forte odeur d'urine flotte dans l'air. La puanteur tient à la gorge le nouvel arrivant. Sur le bas côté, des caniveaux vomissent leur trop plein d'eau noirâtre. Ce liquide inonde la chaussée sans goudron.
Près de cette voie, le marché du quartier Ebouturé. Des immeubles défraîchis. A côté des montagnes de déchets fumant, des baraques et des boutiques. De grosses mouches bleues voltigent, se battent puis s'agglutinent sur les ordures. Les marchands et les acheteurs avec sérénité pataugent dans la boue noirâtre et collante.

Le Nigérian lui-même craint Lagos

"L'habitant de Lagos survit comme il peut. Il s'accroche à de petits jobs et peut en avoir trois ou quatre", affirme Ali Kabré, journaliste burkinabè, Lagosien depuis 3 ans. Selon les estimations officielles, depuis 1991, la population de Lagos dépasse la dizaine de millions. Les deux tiers des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Et 60 à 70% de cette population travaillent dans le secteur informel. Le marché de l'emploi sinistré, Lagos est devenu le monde de la débrouille. Lorsque la pluie transforme le marché en bourbier, les enfants par exemple, avec des seaux d'eau proposent aux clients de leur laver les pieds pour quelques nairas. Outre cela, le système D, la quête d'une vie meilleure s'est accrue avec le boom pétrolier du début des années 70. Ce boom a fait naître l'espoir d'une vie meilleure, auquel la population s'est accrochée, même après l'effondrement de l'économie dans les années 80.
Sur l'immense marché, les fruits et légumes viennent du Bénin. L'importation de ces produits tout comme la traversée de la frontière est facilitée par la corruption des douaniers. A chaque point de contrôle, le conducteur glisse dans la main du policier ou du douanier quelques billets. Les sommes varient de 50 à 6 000 nairas soit 200 à 24 000 F CFA. Dans la ville, des hommes en tenues militaires sont armés de kalachnikov. Le cross de leur arme est colorié de vert, jaune, rouge ou des couleurs du Nigeria vert, blanc, vert. Ils se promènent fusil au poing. Ils rackettent au vu et au su de tous, confie Richmond, un Ivoirien, fonctionnaire international : "Une fois, ils ont arrêté mon épouse et exigé qu'elle paie 30 000 nairas soit 120000 F CFA alors qu'elle n'avait commis aucune infraction. Elle a refusé et ils l'ont conduite à leur siège afin de régler la situation avec leur responsable. Et là, mon épouse était obligée de payer non 30 000 mais 6000 nairas soit 24 000 F CFA. Le directeur ayant soutenu ses éléments en accusant mon épouse d'avoir commis une infraction".

Les riches se barricadent

Surpeuplée, Lagos devrait figurer au 7e rang des mégapoles en 2020 avec plus de 20 millions d'habitants. Ce surpeuplement secrète la violence. Des bandes dévalisent les automobilistes. Elles narguent et défient la police. Lagos, c'est la jungle. "Fais attention à ton sac car à Lagos, quelqu'un peut te l'arracher en affirmant haut et fort que le sac lui appartient. Tu ne pourras te défendre auprès de personne, pas même des policiers", lance Jerry Roma, jeune nigérian d'une trentaine d'années à l'endroit d'une dame visitant pour la première fois la ville. Face à l'insécurité, les riches se barricadent chez eux. Devant leurs demeures, des agents de sécurité armés. Lorsqu'ils se déplacent, c'est à bord de voitures aux vitres fumées.
Lagos, c'est également le royaume de tous les trafics : humains, drogue, médicaments, service de première nécessité. Trafiquer une conduite d'eau ou d'électricité est chose normale, souligne Amuda, un jeune sans emploi. Les coupures de courant de plus de huit heures sont le lot quotidien. D'ailleurs, les différents foyers et surtout les plus aisés disposent de groupes électrogènes. Chez l'Ivoirien Richmond par exemple, le générateur fonctionne quasiment toute la journée. Pour l'eau, la famille fait des réserves d'eau pour ne pas en être à cours. Les moins nantis piratent directement sur les bornes d'alimentation. Un tiers des foyers seulement dispose de l'eau courante n

Ramata.sore@gmail.com

 

Le géant au pied d'argile claudique toujours

Ancienne colonie britannique, membre du Commonwealth, le Nigeria dont la langue officielle est l'anglais est limité au Nord par le Niger, à l'Est par le Tchad et le Cameroun, et à l'0uest par le Bénin. Ce pays a une superficie de 923768 km². Il est le pays le plus peuplé du continent africain. Abuja est sa capitale mais le principal centre commercial est Lagos.
Il obtient son indépendance en 1960. Le Nigéria est communément appelé le géant au pied d'argile. Cette appellation se justifie par le fait de l'instabilité politique qui y a régné.
En 1966, un coup d'Etat fomenté par des groupes militaires amène au pouvoir le général Ironsi, d'origine Ibo. Ce dernier est assassiné quelques mois plus tard. Les Ibos, ethnie majoritaire de l'Est du pays, sont alors victimes de représailles sanglantes qui aboutissent en 1967 à la guerre de sécession au Biafra. La guerre s'achève par une capitulation des indépendantistes le 12 janvier 1970.
En 1975, un nouveau coup d'Etat, sans effusion de sang, porte Murtala Ramat Mohammed au pouvoir. Il promet un retour à la démocratie. Mais il est tué dans un coup d'État avorté et est remplacé par son second Olusegun Obasanjo. Une nouvelle constitution est établie en 1977 et les premières élections ont lieu en 1979, gagnées par Shehu Shagari. Un nouveau coup d'État en 1983 replonge le pays dans la dictature avec un conseil militaire suprême.
En 1993, après des élections annulées par le gouvernement militaire, le général Sani Abacha arrive à la tête de l'État. À sa mort soudaine en 1998 ; Abdulsalami Abubakar prend le pouvoir.
En 1999, les premières élections démocratiques depuis 16 ans sont gagnées par Olusegun Obasanjo. Il est réélu lors des turbulentes élections de 2003. En 2007, des élections, une nouvelle fois agitées portent au pouvoir son successeur désigné Umaru Yar'Adua.
Le Nigeria est le 6e producteur de pétrole dans le monde. Il compte plus de 250 ethnies (Haoussa-Peul, Ibo, Yoruba, Kanouri, Tiv, Ijaw, etc.) avec une population de 135 millions en 2007. C'est une république fédérale de 36 Etats. R. S.



02/08/2008
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