John McCain cherche à faire diversion

 

Le candidat républicain a décidé de suspendre sa campagne et voudrait repousser le premier débat face à Obama en raison de la situation économique du pays. Une énième manœuvre qui risque de lui coûter cher, estime The Washington Post.

Vous êtes en baisse dans les sondages ? Vous craignez que les Américains ne s'intéressent davantage à la crise économique (voire ne redeviennent partisans de la réglementation économique) qu'à vos exceptionnelles qualités de dirigeant ? Dans ce cas de figure, que fait un candidat républicain à la Maison-Blanche ? Si vous vous appelez John McCain, vous faites en sorte que la solution à la crise économique ne tourne qu'autour de votre petite personne. Vous suspendez votre campagne. Vous vous retirez du premier débat entre candidats programmé pour le vendredi 26 septembre. Vous détournez les termes du débat national sur l'économie, passez sous silence les défauts du modèle de laisser-faire économique qui nous a mis dans cette situation, pour recentrer l'attention sur le caractère indispensable de John McCain, chef parmi les chefs.

Un sondage Washington Post/ABC News, publié le 24 septembre, donnait à Barack Obama neuf points d'avance sur son adversaire républicain, une avance qui s'explique essentiellement par l'angoisse économique qui s'empare du pays et la conviction de plus en plus répandue qu'Obama est plus en prise avec les réalités économiques. Mais dans le plan "victoire en novembre" de John McCain, il n'était pas prévu que les Américains s'intéressent à ce genre de questions. Dans l'idée de ses stratèges de campagne, l'essentiel était de cantonner la discussion à des comparaisons entre les personnalités des deux candidats. Hélas pour le républicain, depuis une semaine, la réalité a fait irruption dans la campagne, l'annonce d'un effondrement économique imminent venant détourner l'attention de l'opinion publique de ses qualités exceptionnelles de dirigeant.

Mais McCain va-t-il parvenir à persuader les Américains d'oublier que ce sont lui et ses camarades républicains qui ont changé les règles du jeu économique aux Etats-Unis et ainsi permis à Wall Street de sombrer dans le chaos ? J'en doute. Pour commencer, l'Amérique est peut-être une république d'amnésiques, mais, dans les profondeurs de quelque lobe cérébral rarement sollicité, elle se souvient que ses deux partis politiques [le Parti démocrate et le Parti républicain] s'opposent sur les questions de réglementation et de stimulation de l'économie, opposition qui n'est d'ailleurs guère favorable aux républicains. La manœuvre de McCain était transparente. Pour contrer la préférence des Américains pour la politique économique d'Obama, il entendait s'enfermer dans une salle avec son adversaire et en sortir en clamant qu'ils avaient trouvé un accord, qu'aucun différend ne les opposait.

En réalité, de profonds différends les opposent. McCain souhaite maintenir les allégements fiscaux pour les Américains les plus riches tandis qu'Obama souhaite mettre en place des allégements fiscaux pour tous à l'exception des 10 % les plus riches. Barack Obama privilégie les orientations politiques qui consolident la base de l'économie (via des investissements dans les infrastructures et l'éducation et une législation permettant aux Américains d'adhérer à un syndicat sans craindre d'être licencié), alors que McCain est connu pour son opposition à de telles politiques. Obama n'est favorable aux accords commerciaux que s'ils améliorent les normes du travail et de l'environnement chez nos partenaires et les protègent aux Etats-Unis. McCain, lui, a soutenu tous les traités commerciaux ayant sapé ces normes et n'a jamais dit un mot sur leur protection aux Etats-Unis ou sur leur amélioration à l'étranger.

Mais les comparaisons de ce type nuisent de façon intolérable aux perspectives de succès de McCain. Il ne peut pas remporter les élections sur la force de ses propositions. Il ne peut gagner que sur sa force de caractère. Le problème est que le caractère de McCain, comme nous l'a montré son choix de Sarah Palin comme colistière, est riche en détermination mais pauvre en bon sens. A cet égard, malgré toutes les dénégations de son équipe de campagne, une présidence McCain tiendrait beaucoup d'un prolongement de l'ère Bush. Le président est d'ailleurs venu en aide au candidat républicain hier soir en invitant les deux prétendants à la Maison-Blanche à se rendre à Washington aujourd'hui pour donner leur blanc-seing à un accord sur le plan de sauvetage de l'économie américaine apparemment en passe d'être conclu avec le Congrès. Risquant de minimiser l'héroïsme du coup d'éclat de McCain, il l'a aussi fait paraître moins égocentrique.

Reste que l'ego est bien le fonds de commerce de McCain. Soit il est le sauveur surgissant sur sa belle monture, soit il n'est rien – ou plutôt si, le perdant du mois de novembre. Obama a certes des défauts, mais il a au moins la qualité de ne pas croire que les crises que vit la nation tournent autour de sa petite personne.

Harold Meyerson
The Washington Post



26/09/2008
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