Evacuations sanitaires, sélection discriminatoire sur fond de deals

 Les hôpitaux burkinabè restent limités dans la prise en charge de certaines maladies surtout spécialisées. Le gouvernement a mis en place d'un conseil national de santé chargé d'étudier et d'harmoniser les problèmes d'évacuation sanitaire. C'est entre 800 et 900 millions de f cfa qui sont dégagés annuellement pour les évacuations. Si tout citoyen burkinabé est éligible, la pratique est tout autre. Insuffisance d'information, accès discriminatoire sont les griefs faits au conseil national de santé.

En principe, tout citoyen burkinabè peut bénéficier d'une évacuation sanitaire si son mal ne peut pas être traité par les formations sanitaires nationales. C'est un droit pour le patient, puisque les autorités doivent garantir à la population l'accès équitable aux soins de santé en qualité. C'est donc environ un milliard de f cfa que le gouvernement dégage annuellement pour les évacuations sanitaires à l'étranger. La France et le Maroc sont les principales destinations.

L'évacuation sanitaire se fait sur la base d'un dossier élaboré par le médecin traitant du patient. Le dossier est par la suite soumis au collège des médecins, puis au Conseil national de la santé. Dans le cas des évacuations sanitaires à l'étranger, la prise en charge est gratuite pour les personnes indigentes. Les frais sont entièrement à la charge du budget national. Le seul effort demandé au patient, ce sont les frais de visa. La contribution des autres catégories est réglementée par un arrêté ministériel. Ainsi il y a un taux pour les commerçants, les élèves, les enfants. Pour la participation des agents de la Fonction publique aux frais de leur évacuation sanitaire, le précompte sur le salaire, sur une base mensuelle, se fait par retenues à la source, après émission d'un ordre de recette par le ministère chargé des Finances, à la demande du ministère de la Santé. Ce précompte est effectué dès le retour de l'évacué sanitaire. En cas de décès de l'évacué ce prélèvement est immédiatement annulé. On affirme du côté du ministère de la santé qu'aucun dossier d'évacuation n'est fait par le ministre de la Santé, son secrétaire général, ni même le conseil général de la santé et la direction générale des hôpitaux. Le médecin traitant du patient en face d'une pathologie estime qu'il est impossible de sauver le malade avec les plateaux techniques disponibles et formule un dossier d'évacuation. Ce dossier est soumis au collège de médecins et ensuite au conseil général de la santé pour adoption. Une fois que le dossier du patient a été validé, il ne lui reste qu'à mettre en marche les formalités pour l'évacuation. Au Burkina, les principales maladies qui nécessitent une évacuation seraient les maladies cardiovasculaires, traumatologiques, neurochirurgicales, ontologiques et ophtalmologiques.


Dans le processus d'évacuation, le service d'évacuation du ministère de la Santé et l'ambassade du Burkina dans les pays d'accueil se chargent de toute l'organisation. Le service d'évacuation du ministère contacte le service social de l'ambassade pour la préparation du terrain. Ce dernier doit s'occuper de la réservation de l'établissement sanitaire qui doit recevoir le patient et d'une maison de repos. Evidemment, ce service social doit renvoyer au ministère le coût total de l'ensemble des prestations. L'ensemble de ces pièces est nécessaire pour l'obtention du visa. Malheureusement, entre ce qui est préconisé et la pratique, il existe un grand fossé. Au regard du nombre de postulants pour nécessité de santé, la cagnotte reste insuffisante. Cette petite cagnotte serait consommée par les "puissants".

Selon le secrétaire général du Syntsha, la caisse d'approvisionnement est permanemment vide. De nombreux professionnels de la santé courent après leur évacuation depuis des années en dépit de l'avis favorable du collège médical. Certains sont décédés avant la décision d'évacuation. Si les professionnels de la santé qui sont imprégnés du fonctionnement du conseil médical ne sont pas admis à l'examen final, ce ne sont pas les citoyens qui ne sont pas informés qui peuvent jouir de ce droit. La grande majorité de la population ignore l'existence de cette mesure. L'absence de rigueur et d'égalité dans la sélection du dossier sont également dénoncées. Pour les uns, un coup de fil suffit pour déclencher la machine d'évacuation, mais pour d'autres, il faut la main de Dieu ! Le ministère de la Santé avait lui-même attiré l'attention sur les dossiers d'évacuation, notamment sur les coûts exorbitants de ces évacuations et les contrôles de santé accordés à certaines personnes. Il avait affirmé que certains contrôles de santé ne s'imposaient pas toujours. C'est la preuve d'un manque de transparence dans la gestion de ce fonds. Le service financier du ministère et le service social de l'ambassade concerné ne montrent pas toujours patte blanche dans cette affaire. Certains patients qui ont eu le privilège d'être retenus ont décrié la prise en charge. En ce qui concerne les évacuations sanitaires sur la France, le service d'évacuation du ministère se plaignait de l'attitude de son correspondant à Paris. Pour la traçabilité des fonds, le service d'évacuation exige du service social de l'ambassade un compte rendu détaillé. Mais cela n'a pas toujours suffi pour garantir la confiance. Il est souvent arrivé que l'ambassade de France refuse d'accorder le visa, estimant que les documents du prestataire manquaient de crédibilité.

Le service d'évacuation du ministère de la santé avait à un moment reproché à une ambassade de n'avoir pas reversé des reliquats soit pour cause de décès ou simplement pour des personnes qui ont été déclarées finalement en bon état de santé. Abdoul Razac Napon



23/02/2011
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