Douze raisons pour ne pas signer les APE

DECLARATION

SUR LES ACCORDS DE PARTENARIAT ECONOMIQUE

 

DOUZE RAISONS DE NE PAS LES SIGNER

 

Le remodelage des économies africaines au cours des trois dernières décennies en vue de les conformer aux normes du marché mondial a engendré des bouleversements sans précédent tant dans l'organisation de la production que dans la capacité de la plupart des pays à faire face aux besoins des populations. Les agriculteurs, les éleveurs et les pêcheurs du Mali et de l'Afrique d'une manière générale souffrent, de plus en plus, de la faim et de la pauvreté tandis que les travailleurs des secteurs étatiques et non étatiques assistent, impuissants, à l'érosion de leur pouvoir d'achat. En plus des produits de première nécessité, l'eau, l'électricité, les soins de santé, les moyens de transport, le logement décent tendent à devenir inaccessibles pour la grande majorité des citoyen(ne)s.

Les pays riches d'Europe n'échappent pas eux-mêmes à l'impasse qui revêt une dimension particulièrement dramatique dans les pays dépendants de l'exportation de quelques matières premières.

Le coût social de ce mode d'articulation des économies africaines au marché mondial est de plus en plus exorbitant, notamment pour les femmes, en raison de leur rôle central dans la couverture des besoins des ménages en aliments, eau potable, énergie domestiques, soins de santé…

Quant aux jeunes en âge de travailler, ils sont heurtés, eux-aussi, de plein fouet par le chômage massif et chronique auquel ils espèrent trouver une issue en tournant le dos au continent. Mais, l'émigration se révèle de plus en plus meurtrière, étant donné que l'Europe, en même temps qu'elle impose ses choix et son agenda à l'Afrique, se barricade et organise la chasse à ceux qu'elle condamne à la clandestinité quand elles les juge non rentables.

Dans ce contexte où les populations africaines attendent de leurs Etats qu'ils jouent davantage leur rôle dans la régulation des marchés et la protection des intérêts des citoyen(ne)s, en l'occurrence les couches sociales vulnérables, l'Union Européenne (UE) impose aux 77 pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) des Accords de Libre Echange (ALE) sous l'appelation d'Accords de Partenariat Economique (APE). Il s'agit de remplacer les principes et les mécanismes des conventions de Lomé, fondés sur la solidarité avec les économies faiblement développées par la libre concurrence orchestrée par l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) mais en dehors des négociations multilatérales.

Des compensations financières devraient théoriquement permettre aux ACP de tenir pendant une période transitoire. Celles-ci n'ont, en réalité, aucune chance de compenser les pertes que nos pays subiront en signant ces accords sans oublier que l'Europe ne tient pas souvent ses promesses.

La Convention de Cotonou dont les APE constituent la dimension commerciale ouvre, en réalité, les pays ACP à la compétition avec les entreprises des pays riches et industrialisés d'Europe. La Commission Européenne, sous la pression des groupes patronaux qui entendent tirer le maximum de profit de leurs investissements veut imposer son agenda à nos pays en usant de l'asymétrie des rapports de force. Le 31 décembre 2007 devait être la date de la signature de ces accords.

Le Sommet Euro-africain de Lisbonne qui a eu lieu les 8 et 9 décembre 2007, a été l'occasion pour les dirigeants africains d'affirmer leur volonté d'explorer leur propre voie et d'imprimer une nouvelle dynamique au développement du continent.

Nous, associations et organisations membres la coalition malienne contre les APE et signataires de la présente Déclaration considérons que ces accords constituent un tournant décisif et d'une extrême gravité dans la marche forcée de l'Afrique vers un libre-échangisme déloyal et destructeur.

Les conséquences dramatiques de la signature de ces APE, qui sont autant de raison de ne pas les signer sont entre autres :

le sabotage des efforts de démocratisation de nos pays en exigeant de nos dirigeants la signature d'accords non concertés et contraires aux intérêts des peuples qui leur ont confié leurs destins,

la perte de recettes douanières et fiscales ainsi que de souveraineté politique et économique par nos Etats (déjà affaiblis par la tutelle des Institutions de Bretton Woods et les conditionnalités qui ne sont que chantages au financement),

l'asphyxie par les produits subventionnés des pays riches, de l'embryon d'industrie dont la consolidation et le développement devraient garantir l'emploi et le revenu décent aux populations, en l'occurrence les jeunes.

la destruction de l'agriculture familiale et paysanne qu'il suffit de soutenir avec davantage de conviction et de rigueur sans pou autant sacrifier les producteurs ni brader les ressources productives, relever le défi de la souveraineté alimentaire et résorber les flux migratoires en provenance des campagnes qui se vident de leurs forces vives.

l'entrave à la redynamisation des marchés locaux, nationaux et régionaux qui devront, s'ils sont mieux protégés, absorber les produits locaux et contribuer à la sauvegarde des savoirs et savoirs-faire de nos terroirs,

l'aggravation du chômage, dont celui des jeunes, et de la précarité dont souffre la majorité des femmes faute de source de revenus alors que le coût de la vie ne cesse d'augmenter,

la faim, la malnutrition et la maladie dont souffrent la plupart des enfants en bas âge.

l'intolérance et les risques d'exacerbation des conflits à tous les niveaux : au sein des ménages, entre voisins, ethnies et Etats pour la sauvegarde d'intérêts spécifiques,

l'instabilité politique en raison de la difficulté de gouverner des populations mécontentes et désemparées par le chômage et la pauvreté,

le gonflement des flux migratoires vers les pôles de concentration des richesses, en l'occurrence l'Europe.

la destruction des écosystèmes par des populations de plus en plus démunies qui tenteront de compenser les pertes d'emploi et de revenu par l'exploitation intensive et désordonné des ressources naturelles.

le sabotage des fondements de l'unité africaine ainsi que de nos efforts d'intégration sous-régionale et régionale.

En conclusion :

Le libéralisme sauvage est fait de ravages pour les humains et les écosystèmes, avec des conséquences particulièrement graves pour les peuples déshérités du Sud.

L'alternative au chaos qui s'annonce avec les APE réside dans la lucidité, la maturité politique, davantage de solidarité et de dialogue entre les Etats et les sociétés civiles, l'investissement dans une agriculture qui nourrit son homme, dans une industrie qui transforme les produits locaux et un système de distribution qui mobilise les commerçants grossistes et détaillants et les consommateurs/citoyens qui savent que de leurs choix économiques dépendent l'emploi, le revenu, la paix et la stabilité politique.

NON aux APE

OUI à une coopération euro-africaine respectueuse des droits des peuples.

Source : http://newsletterappa.over-blog.com/article-15972894.html



25/01/2008
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