Contentieux autour du barrage de Yalgo

 L'eau du barrage de Yalgo est devenue une denrée rare depuis l'installation de la mine. C'est l'avis des producteurs maraîchers et autres utilisateurs du barrage qui estiment que la société minière est le responsable de leur malheur depuis trois ans.

"Je n'ai rien récolté l'année dernière. J'ai perdu 1 ha d'oignons par manque d'eau", déclare, le visage triste, Fatimata Korga du groupement de femmes Noom Tondo. Comme elle, de nombreux producteurs qui exploitent les abords du barrage de Yalgo déplorent l'assèchement d'une grande partie du barrage servant à arroser leurs périmètres pendant la saison sèche. Depuis trois ans, ils sont des milliers qui manquent d'eau entre février et mai pour leurs cultures maraîchères. Les oignons, tomates, choux et autres bananes cultivés aux abords du barrage n'arrivent plus à maturité. "Notre production a beaucoup chuté depuis ces trois dernières années", avoue Kalmoidi Sebgo, président du groupement Delwendé. En 2008, c'est environ 60 ha que les membres du groupement auraient abandonnés parce qu'à un certain moment de l'année, il n'y a plus d'eau. "Nous avons creusé 1km de canalisation pour poursuivre l'eau, mais en vain", poursuit le président de Delwendé. L'exploitation de l'eau par la Société des Mines de Taparko (SOMITA) serait la cause principale du malheur de tous ces producteurs maraîchers.
La société minière reconnait utiliser l'eau du barrage. Un pipeline de 9,6km a été construit pour conduire l'eau du barrage vers un réservoir de 2 millions de m3 construit près du site d'exploitation situé dans le village de Taparko. L'eau sert à alimenter l'usine de la mine. Cependant, selon le Directeur général de la société, Marco Kelly, le pompage fait par sa société n'est pas responsable de la pénurie constatée au niveau du barrage. "Avec ou sans notre prélèvement, l'eau du barrage diminue à une certaine période de l'année", soutient-il. Du reste, il affirme que pour ses besoins, sa société tire en grande partie l'excès d'eau qui se déverse du barrage pendant la saison pluvieuse. Ce n'est pas moins de 100 millions de m3 d'eau qui traversent la digue du barrage chaque année pendant la crue, selon une étude interne de la société. La cuvette construite au niveau de la mine serait alimentée essentiellement par ces eaux de crue. Mais ce n'est pas que pendant cette période des pluies que la société minière exploite l'eau du barrage, répliquent les producteurs. En saison sèche aussi, elle pompe l'eau 24/24 pendant des semaines grâce à un groupe électrogène installé au niveau du barrage. Combien de quantités d'eau la société tire-elle pendant cette période ? Le DG répond que la quantité d'eau n'est pas très importante vu que "c'est juste un complément". Celui-ci serait de 220 000 m3 d'eau par an. Il souligne, en outre que le pompage se fait généralement en janvier ou février et n'excède pas un mois. Toutefois, la question qu'on se pose, c'est pourquoi la mine a-t-elle besoin d'un complément alors qu'elle aurait pu capter des millions de m3 d'eau qui se perdent dans la nature pendant la crue du barrage ? Pour le premier responsable de la société, cela est dû en partie à l'évaporation. On pourrait également penser à la capacité actuelle du réservoir construit par la mine qui est de 2 millions de m3. Une augmentation de ses capacités de stockage pourrait lui éviter de pomper l'eau du barrage pendant la saison sèche.
Pour le moment, cette solution n'est pas à l'ordre du jour. Le 13 janvier dernier, la société a adressé au maire de la commune de Yalgo "une demande d'autorisation de pomper l'eau du barrage pour le traitement du minerai de l'usine". Elle précise qu'elle souhaite commencer le pompage à partir du 24 janvier. Le maire de la commune, Hamidou Yaméogo qui est également maraicher n'est pas content : "Quand ils envoient leur demande, ils ne précisent pas combien de temps cela va prendre et le volume d'eau qu'ils vont pomper. Ils ne veulent que ma signature." Sa secrétaire générale, Mme Nonkouni Louise, est encore plus amère : "C'est quand ils ont besoin de cette autorisation que nous pouvons les voir. Une fois qu'ils l'ont, c'est fini, il faut attendre qu'ils aient encore besoin d'une autre autorisation pour les revoir. Ils sont toujours injoignables ou occupés quand on veut les rencontrer.", soutient-elle. Le maire avait promis que si la société ne donnait pas les précisions sur la quantité d'eau et le nombre de jours, il n'allait pas signer l'autorisation. A la date du démarrage du pompage le 25 janvier, ces précisions étaient toujours attendues à la mairie. Selon toute vraisemblance, l'autorisation n'aurait pas été signée avant la mise en marche du groupe électrogène. Le maire était absent quand les populations ont entendu avec stupeur, le bruit de la machine, signe du pompage de l'eau. Le maire a-t-il fait signer par procuration l'autorisation ? La SG sortante (la décision de son affectation est intervenue en fin janvier) affirme ne pas avoir vu cette procuration. Le maire que nous avions rencontré avant le début du pompage nous disait son impuissance devant la société : "Même si je ne signe pas, elle [SOMITA] va pomper l'eau quand elle veut et la quantité qu'elle souhaite. Elle nous a toujours fait savoir que ce n'est pas nous qui décidons. Elle a l'autorisation en haut lieu."
Soumises à la pression des populations, les autorités communales ne savent pas quoi faire. Pendant la saison des pluies, les agriculteurs se plaignent également parce que la mine capte l'eau de la crue du barrage qui se déversait dans leurs champs. Cela aurait contribué à leurs mauvaises récoltes ces dernières années. En saison sèche, ce sont les maraichers et les éleveurs qui crient leur désapprobation. Les femmes vendeuses de tomates et d'oignons se plaignent également. Le sac d'oignon de 50kg qui coûtait 3500f Cfa est passé à plus de 10 000 f CFA au marché de Yalgo. "On a parlé se fatiguer, les autorités ne nous aident pas. C'est le gouvernement qui nous a liés poings et pieds donner à la société. C'est lui qui nous a vendu. Il aurait pu au moins augmenter la capacité du barrage pour nous permettre de mener à terme notre petite irrigation", fulmine un producteur. D'autres se souviennent de ce qu'un expatrié leur avait conseillé : "Le Blanc qui nous a aidé à faire le périmètre nous avait pourtant prévenu. Il nous avait dit de ne jamais accepter que la société minière installe son groupe électrogène pour tirer l'eau car le travail des mines consomme beaucoup d'eau. Il avait raison, on voit maintenant."
Idrissa Barry



16/02/2010
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