Charles Taylor face à ses crimes

Après avoir été plusieurs fois reporté, le procès de Charles Taylor, ancien président du Liberia, jugé pour crimes de guerre par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone, s'est ouvert à La Haye le 7 janvier. L'hebdomadaire sénégalais Nouvel Horizon revient sur son parcours sanglant.

"L'Afrique est encore le seul continent où, avec 500 hommes, on peut changer le cours de l'Histoire". Ce jugement à l'emporte-pièce d'un haut diplomate français n'a jamais été aussi vrai que pendant la décennie des années 1990, qui a vu le continent africain saigné à blanc par des "saigneurs de la guerre" de la trempe de Charles Taylor, poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité. A la tête d'une poignée de combattants, prétendument appelés freedom fighters (combattants de la liberté), cet ancien repris de justice a mis à feu et à sang le Liberia, république fondée par des esclaves affranchis dont l'orgueilleuse devise est "L'amour de la liberté nous amena ici". L'ancien président du Liberia, dont le procès est en cours au Tribunal international de La Haye, a symbolisé jusqu'à la caricature le cauchemar du continent, avec ses soudards qu'on croirait sortis tout droit d'un roman d'Ahmadou Kourouma. C'est à un ex-partisan de Charles Taylor, le chef rebelle Prince Johnson, qu'on doit un véritable film d'horreur : le supplice devant les caméras d'un autre triste sire, le président déchu Samuel Doe, littéralement charcuté par des combattants ivres et hilares.
Cette barbarie complaisamment passée en boucle par beaucoup de télévisions occidentales à l'époque aura donné du continent une image peu glorieuse. Non content d'être devenu le bourreau de son propre peuple, Taylor a poursuivi ses tristes exploits, par chefs de guerre interposés, en déstabilisant la Sierra Leone. Plus que tous les reportages et articles de presse, le film Blood Diamond, admirablement interprété par Leonardo DiCaprio et Djimon Honsou, a permis à l'opinion publique mondiale de prendre connaissance de la tragédie de ces peuples. En effet, pour faire main basse sur les fabuleuses mines de diamants de Sierra Leone, Taylor a armé et financé le sanguinaire Front révolutionnaire uni (RUF) du caporal Foday Sankoh, l'homme dont les troupes se sont tristement illustrées sur le champ de bataille en mutilant des civils innocents, leur laissant le choix macabre entre "manches courtes" et "manches longues".
L'image de Charles Taylor, arrêté comme un vulgaire malfrat, menottes aux poignets, a révulsé bon nombre d'Africains, affligés qu'un ancien chef d'Etat puisse être traité de la sorte. Mais ces âmes charitables feignent d'oublier le monceau de cadavres sur lequel est passé ce prédateur sans scrupule pour arriver au pouvoir. En réalité, Taylor, comme d'autres de ces congénères hélas encore au pouvoir, n'est qu'un gangster. Son arrestation et sa traduction devant les tribunaux sont un signal fort envoyé à tous les satrapes qui s'accrochent obstinément à leur fauteuil. Quitte à plonger leurs pays dans le chaos.

Barka Ba
Nouvel Horizon



12/01/2008
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