Charles Taylor face à ses crimes
"L'Afrique est encore le seul continent
où, avec 500 hommes, on peut changer le cours de l'Histoire". Ce
jugement à l'emporte-pièce d'un haut diplomate français n'a jamais été aussi
vrai que pendant la décennie des années 1990, qui a vu le continent
africain saigné à blanc par des "saigneurs de la guerre" de la trempe
de Charles Taylor, poursuivi pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.
A la tête d'une poignée de combattants, prétendument appelés freedom fighters
(combattants de la liberté), cet ancien repris de justice a mis à feu et à
sang le Liberia, république fondée par des esclaves affranchis dont
l'orgueilleuse devise est "L'amour de la liberté nous amena ici".
L'ancien président du Liberia, dont le procès est en cours au Tribunal
international de La Haye, a symbolisé jusqu'à la caricature le cauchemar du
continent, avec ses soudards qu'on croirait sortis tout droit d'un roman
d'Ahmadou Kourouma. C'est à un ex-partisan de Charles Taylor, le chef rebelle Prince
Johnson, qu'on doit un véritable film d'horreur : le supplice devant les
caméras d'un autre triste sire, le président déchu Samuel Doe, littéralement
charcuté par des combattants ivres et hilares.
Cette barbarie complaisamment passée en boucle par beaucoup de télévisions
occidentales à l'époque aura donné du continent une image peu glorieuse. Non
content d'être devenu le bourreau de son propre peuple, Taylor a poursuivi ses
tristes exploits, par chefs de guerre interposés, en déstabilisant la Sierra
Leone. Plus que tous les reportages et articles de presse, le film Blood
Diamond, admirablement interprété par Leonardo DiCaprio et Djimon Honsou, a
permis à l'opinion publique mondiale de prendre connaissance de la tragédie de
ces peuples. En effet, pour faire main basse sur les fabuleuses mines de
diamants de Sierra Leone, Taylor a armé et financé le sanguinaire Front
révolutionnaire uni (RUF) du caporal Foday Sankoh, l'homme dont les troupes se
sont tristement illustrées sur le champ de bataille en mutilant des civils
innocents, leur laissant le choix macabre entre "manches courtes" et
"manches longues".
L'image de Charles Taylor, arrêté comme un vulgaire malfrat, menottes aux
poignets, a révulsé bon nombre d'Africains, affligés qu'un ancien chef d'Etat
puisse être traité de la sorte. Mais ces âmes charitables feignent d'oublier le
monceau de cadavres sur lequel est passé ce prédateur sans scrupule pour
arriver au pouvoir. En réalité, Taylor, comme d'autres de ces congénères hélas
encore au pouvoir, n'est qu'un gangster. Son arrestation et sa traduction
devant les tribunaux sont un signal fort envoyé à tous les satrapes qui
s'accrochent obstinément à leur fauteuil. Quitte à plonger leurs pays dans le
chaos.
Barka Ba
Nouvel
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