Bénéwendé, un chef avec des troupes qui boudent

 Décidément les symboles se jouent des petites volontés partisanes. Blaise Compaoré et ses hommes ont refusé le statut de chef de file de l'opposition à Ki Zerbo et à Hermann Yaméogo, pour finalement le concéder à un Sankara, leur ennemi. Le sort se joue t-il d'eux ?

Ils ont quand même concédé le statut à Sankara. Beaucoup avaient pensé qu'ils ne lui feraient pas ce si extraordinaire cadeau. Sûr que Bénéwendé s'est déjà mis en pole position pour la présidentielle de 2010. Il est pour l'heure le seul responsable de l'opposition à avoir déclaré sa candidature. Disons même le seul homme politique burkinabè à l'avoir fait. Du côté du CDP, à treize mois de la présidentielle, c'est encore l'expectative. On croit savoir que le candidat naturel de ce parti, ne saurait être quelqu'un d'autre que Blaise Compaoré. Mais c'est encore de la spéculation. Alors comment est-ce que ce pouvoir qui n'a jamais rien fait pour qu'émerge une opposition crédible dans le pays a-t-il pu faire un tel cadeau à un ennemi de la trempe de Bénéwendé qui porte de surcroît le patronyme le plus exécré du régime : Sankara. Le fait du sort ou pas, Blaise Compaoré devra faire avec ce patronyme qui l'accuse quotidiennement à chaque fois qu'il est prononcé. Avec Bénéwendé souvent à ses côtés, le protocole impose que le chef de file de l'opposition soit associé aux activités officielles de l'Etat, Blaise Compaoré aura parfois l'impression que "l'oreillard" est ressuscité.
En tout cas c'est fait. Bénéwendé Sankara est devenu le premier chef de l'opposition burkinabè sur la foi des quatre députés que sa formation a eu aux législatives de mai 2007. C'est pour l'instant un strapontin dont les prérogatives sont mal connues. Mais c'est tout de même une formidable rampe. Bénéwendé est légitimé dans une posture qui signifie beaucoup de chose dans une démocratie. Mieux que les dispositions de la constitution qui règlent la succession, en cas de vacance de la présidence, Bénéwendé est consacré par le peuple et reconnu par la loi, comme étant celui qui est le mieux placé pour succéder à l'actuel locataire de Kosyam. Cette position, dans une vraie démocratie, donne droit à des contacts officiels avec les partenaires du pays, à suivre les grands dossiers du pays et à être informé de certaines dispositions capitales de la gouvernance du pays.
Dans notre cas, c'est une jeune institution, et comme l'alternance n'est pas à l'ordre du jour dans le camp d'en face, il est fort possible que pendant quelque temps encore, le statut reste purement décoratif. Il appartient de toute façon à l'opposition de refuser le statut de potiche de la démocratie et de travailler à lui donner un vrai contenu. Car après tout, c'est pas un don du régime. C'est la consécration de la volonté du peuple, exactement comme celle dont se prévaut la majorité pour gouverner. Le peuple choisit la majorité à qui il donne immédiatement le pouvoir et met en stand by, ceux qu'il se prépare à consacrer dans un proche avenir. De ce point de vue on est obligé de reconnaître que par deux fois et à deux scrutins distinctifs, Bénéwendé et son parti ont été désignés comme le premier des partis de l'opposition : pendant la présidentielle de 2005, Bénéwendé est arrivé deuxième après Blaise Compaoré et aux législatives de mai 2007, son parti est arrivé premier des partis de l'opposition. L'ADF/RDA qui a eu le plus grand nombre de députés après le CDP, avait corrompu son statut en soutenant la candidature de Blaise Compaoré, le chef de la majorité présidentielle.

Des articles qui demeurent flous dans les esprits

La désignation de Bénéwendé fait une relative unanimité au sein de l'opposition. Même ceux qui ne veulent pas le voir en peinture, n'ont pas d'arguments juridiques pour le contester. Alors dans l'opposition on est attentif aux premières actions qu'il va poser comme chef de file de l'opposition pour espérer rendre le droit à la critique. Pour l'instant c'est plutôt le satisfecit. Le nouveau patron du PDP/PS (ancien parti de Ki Zerbo) se félicite de la clarification dans le statut de l'opposition. Il apprécie particulièrement les dispositions de l'article 2 de la loi qui stipule que : "… est considéré comme parti politique de l'opposition, tout parti légalement constitué se déclarant opposé au parti ou au regroupement de partis participant au gouvernement ou soutenant l'action gouvernementale". Avec cette disposition se convainc le patron du PDP/PS : "Il n y a pratiquement plus la possibilité de semer l'amalgame". La loi précédente, votée en 2000 était moins précise : "est considéré comme parti politique de l'opposition tout parti non membre de la majorité parlementaire". Cette ancienne loi sur le statut de l'opposition entretenait même des confusions spécieuses : (article 3) "le droit au statut de l'opposition politique s'entend de l'existence légale du parti ou groupe de partis tenant sans interruption leur activités statutaires.". S'il se réjouit de la clarification introduite par la nouvelle loi, il reste circonspect sur la disposition de la nouvelle loi qui créé une subordination de fait de l'opposition à son chef. C'est le grief qu'il fait à l'article 4 de la nouvelle loi: "pour être un parti de l'opposition, il faut :- faire une déclaration officielle de son appartenance à l'opposition et la transmettre au chef de file de l'opposition,
-ne pas accepter que ses militants occupent des postes politiques du genre hautes fonctions."
Le parton du PDP/PS n'est pas le seul à exécrer l'article 4 de la nouvelle loi sur le statut de l'opposition. Issa Tiendrébéogo président du GDP trouve inacceptable le deuxième alinéa de l'article : "-ne pas accepter que ses militants occupent des postes politiques du genre hautes fonctions". Il pense que cette disposition est discriminatoire à l'encontre des cadres de l'opposition, parce qu'il y a des fonctions techniques "de haut niveau qui ne devraient pas revenir aux seuls militants de la majorité". Issa Tiendrébéogo se demande par exemple si le poste de président de l'Université, peut être refusé aux cadres de l'opposition, en vertu de l'alinéa 2 de l'article 4 ? Il milite fortement pour qu'on amende cette disposition pour ne pas exposer les militants et les cadres de l'opposition.
Cette inquiétude n'est pas partagée par le nouveau patron de l'opposition burkinabè. Bénéwendé rassure parce que la loi a fait une énumération exhaustive de ce qu'il faut comprendre par "hautes fonctions" : "Au terme de la présente loi, sont considérées comme haute fonctions, les fonctions de Premier Ministre, de président de Conseil économique et social, de ministre, de tout rang ministériel, de directeur de cabinet des institutions et des ministères, les fonctions de représentations spéciales et de haute fonction de nature politique dont l'occupation est incompatible avec le statut de l'opposant".

Qu'est-ce que Sankara va faire de son "machin" ? Il faut en faire un tremplin pour l'alternance, suggère Bénéwendé qui pense que le statut devrait faciliter l'union d'action au sein de l'opposition. C'est aussi ce que croit Issa Tiendrébéogo, parce qu'il n'est pas possible d'aller jusqu'à l'unité puisqu'il "y a plusieurs sensibilités dans l'opposition". Le statut devrait donc permettre une unité d'action. Il faut encore attendre que l'assemblée nationale finalise le texte qui consacre les prérogatives du chef de l'opposition. La résolution qui y consacre "les avantages et les privilèges" devrait être adoptée au cour de la présente session parlementaire.
C'est un grand changement dans les mœurs politiques burkinabè qui se dessine. Il faut s'en réjouir avec François Kaboré, président du PDP/PS, qui souhaite de tout cœur qu'après "toute cette embellie, un début de dialogue entre l'opposition et les tenants du pouvoir voit le jour. Car le Burkina souligne -t-il, ne leur appartient pas à eux seuls".
Il se désole tout de même des régressions dans le nouveau statut. Dans le précédent statut il était convenu que le président du Faso rencontre périodiquement le chef de l'opposition pour discuter des intérêts de la nation ". Dans la présente loi, cette mention a été gommée. Gommée aussi la disposition qui autorisait de rencontrer les chancelleries installées dans notre pays.
Le nouveau chef de l'opposition est pour l'instant préoccupé par les velléités du camp présidentiel de réviser l'article 37, pour éventuellement supprimer la limitation du mandat présidentiel. Pour conduire cette bataille, Bénéwendé voudrait un front très large incluant la société civile parce que "la démocratie est l'affaire de tous".
L'épisode ADF/RDA est donc clos. Un brin provocateur, Bénéwendé dit attendre "une lettre de félicitation" de Gilbert Ouédraogo. MNZ



18/10/2009
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